Coup de zoom sur la mode

C'est un été photographique en mode majeur qui s'offre aux Français. Le Jeu de paume à Paris accueille - pour la première fois en France - le travail du génial Richard Avedon (1923-2004) dont les images ont bouleversé les codes du portrait et de la photo de mode entre 1945 et 2004. Annie Leibovitz, connue pour ses photos de célébrité, photographe de la dernière campagne Vuitton, expose pour sa part à la Maison européenne de la photographie à Paris. Mais c'est surtout Christian Lacroix qui a créé l'événement. Commissaire invité des Rencontres d'Arles, le couturier a convié une flopée de photographes à exposer. L'occasion d'un coup de zoom sur l'évolution de la photographie de mode au cours de ces cent cinquante dernières années." La relation entre la mode et la photo n'a jamais été aussi forte ", assure Lacroix. Cela n'a pas toujours été le cas. Si les premières photos du genre ont vu le jour vers 1850-1860, il faut attendre 1880 pour qu'elles commencent à remplacer l'illustration dans les magazines. La création de Vogue et de Harper's Bazaar aux États-Unis au début du XXe siècle change la donne. Ce qui était jusque-là un document de mode, devient création artistique. Le baron de Meyer (1868-1946) puis Steichen (1979-1973) imposent un style pictorialiste.ELEGANCE ET RAFFINEMENTD'autres noms révolutionnent ensuite le genre tel George Hoyningen-Huene (1900-1968). Martin Munkacsi quitte le studio pour la rue, donnant à ses tirages des airs d'instantanés dans les années 1930. Au lendemain de la guerre, Avedon imagine des mises en scène dignes des plus grandes productions hollywoodiennes. De son côté, Irving Penn porte l'élégance et le raffinement à leur plus haut niveau. Avant que William Klein ne vienne bousculer tout cela. Dans les années 1970, Helmut Newton (1920-2004) mêle mode, sexe et gros sous, tandis que Guy Bourdin (1933-1991), le surdoué, fait de ses publicités pour le chausseur Charles Jourdan un formidable film noir." Pendant longtemps, le grand sujet de la photo de mode, c'est le vêtement, explique Olivier Saillard, chargé de mission au musée des Arts décoratifs et commissaire de plusieurs expositions cet été en Arles. Mais au fil des années, le vêtement finit par disparaître du tirage. Dans les années 1980, la photo de mode devient une image de la mode et non plus du vêtement. " Ces années-là voient également se nouer une relation très forte entre photographes et créateurs. Dominique Isserman et Sonia Rykiel, Sarah Moon et Cacharel sont indissociables. Ces eighties qui voient également émerger la photo plasticienne. Une décennie plus tard, la confusion des genres, boostée par une explosion du marché de la photo, est totale. Les photographes de mode comme Ines Van Lamsweerde font de la photo plasticienne, et des photographes plasticiens de la mode, tandis que la cote de certains s'envole. Aujourd'hui, on observe un retournement de situation." La photo de mode revient à quelque chose de plus réaliste, observe Olivier Saillard. Probablement grâce à Internet et aux blogs qui diffusent des photos de gens prises dans la rue. " Les campagnes de presse de Vuitton de ces trente dernières années sont emblématiques de cette évolution. En 1978, la maison confie son image à Jean Larivière qui impose un style onirique, intimiste et poétique. Au fil des années, sacs et autres produits de la marque disparaissent peu à peu de ses photos alors que la frontière entre photo plasticienne, de mode et de pub se brouille. À partir de 1997, Patrick Demarchelie ou Ines Van Lamsweerde & Vinoodh Metadin lui succèdent. Jusqu'à ce qu'en 2002 Vuitton confie ses campagnes à Mert Alas et Marcus Piggott qui officient encore aujourd'hui. " Ils ont pour objectif de présenter la collection de la saison de la manière la plus attirante qui soit tout en étant en accord avec les valeurs mode de la maison. Valeurs qui allient modernité et tradition, explique Antoine Arnault, directeur de la communication. Le style de ces photos est simple, direct. Le sac est au premier plan, la star ou le mannequin au second, les images sont à la fois modernes et léchées et la mise en page en diagonale. Et même si ces photos ne gagnent pas de prix, elles fonctionnent. "LE PHOTOGRAPHE AU COEUR DU CONCEPTIl est capital pour certaines maisons d'associer leur nom à celui d'un artiste. Ce qu'a compris Vuitton en demandant au plasticien japonais Murakami de dessiner un sac et à Annie Leibovitz de réaliser une campagne. " Nous voulions reparler du voyage, poursuit Antoine Arnault. Notre agence de publicité nous a proposé un concept dont le choix du photographe était la pierre angulaire. Et très vite la participation d'Annie Leibovitz est, pour nous, devenue, une condition sine qua none. " On comprend pourquoi au vu de la photographie de Mikhaïl Gorbatchev posant dans une voiture à proximité du mur de Berlin, un bagage à ses côtés. Il est ici bien plus question d'un homme qui a fait l'Histoire, avant qu'elle ne lui tourne le dos, que d'un produit. Leibovitz a brossé l'extraordinaire portrait d'un homme seul, dans un moment d'abandon. L'exemple même d'une grande photo de mode. Celle d'une commande transcendée par la photographe, oeuvre personnelle et universelle.Expos photos de l'étéRencontres d'Arles, jusqu'au 14 septembre. Tél. : 04.90.96.76.06. www.rencontres-arles.comRichard Avedon. Jeu de paume (site Concorde) à Paris. Tél. : 01.47.03.12.50. Jusqu'au 28 septembre. Catalogue, 192 pages, 49,80 €.À lire, hors-série Télérama consacré au photographe, 100 pages, 8,90 €.Annie Leibovitz, Maison européenne de la photographie, à Paris. Tél. : 01.44.78.75.00. Jusqu'au 14 septembre.À lire : la Vie d'une photographe, éd. La Martinière, 480 pages, 105 €.
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