De la " démocratie sociale " en France

L'Assemblée nationale vient d'adopter en première lecture ce mardi un projet de loi portant rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail. Si le volet du projet consacré au temps de travail suscite une mobilisation importante, celui relatif à la démocratie sociale est peu commenté. Il augure pourtant de réels bouleversements. Cette réforme devrait en effet emporter un changement du paysage et des pratiques syndicales françaises, certaines organisations ayant d'ailleurs d'ores et déjà engagé des stratégies de regroupement.La démocratie sociale française est bâtie sur la représentativité des organisations syndicales, qui jouent un rôle d'intermédiaire dans ladétermination collective desconditions de travail. Ce sont en effet les organisations syndicales, et plus particulièrement celles qui sont représentatives, qui négocient etconcluent les conventions et accords collectifs de travail. La représentativité des acteurs syndicaux souffre cependant d'un déficit de légitimité, déficit auquel s'est attaqué le projet de loi dit de rénovation de la démocratie sociale.Les raisons de la rénovation.La première raison est double. Elle tient à la volonté politique de réformer et au fait que, en matière sociale, la réforme est placée sous le signe du consensus. En effet, " tout projet de réforme envisagé par le gouvernement qui porte sur les relations individuelles et collectives du travail, l'emploi et la formation professionnelle fait l'objet d'une concertation préalable avec les organisations syndicales de salariés et d'employeurs représentatives au niveau national et interprofessionnel en vue de l'ouverture éventuelle d'une telle négociation " (Code du travail, art. L. 1).L'association officielle des organisations syndicales à l'élaboration de la loi n'a cependant de sens que si ces dernières sont légitimes. La seconde raison tient à l'importance de la négociation collective et au constat d'un décalage entre la légitimité des acteurs syndicaux et leur rôle quasi exclusif en matière de négociation collective. Ainsi, tandis que le taux de syndicalisation est d'environ 5 % dans le secteur privé en France, ce sont un peu plus de 97 % des salariés de ce secteur qui sont couverts par une convention collective. Enfin, la dernière raison tient à la méthode jusqu'à présent utilisée pour mesurer la représentativité.Rappelons que si certaines organisations syndicales doivent aujourd'hui prouver leur représentativité au regard de certains critères, tels que l'indépendance et l'influence, d'autres bénéficient, en revanche, d'une présomption de représentativité. Sont ainsi présumées représentatives, au niveau national, cinq confédérations (CGT, CFDT, CGT-FO, CFTC et CFE-CGC) dont la liste a été fixée par un arrêté du 31 mars 1966 et, au niveau de l'entreprise, toute organisation syndicale affiliée à l'une de ces cinq confédérations. Cette présomption de représentativité leur évite d'avoir à justifier de critères quels qu'ils soient. Elles sont représentatives car le législateur en a ainsi décidé il y a plus d'un demi-siècle.Les effets négatifs attachés à cette présomption rendaient une réforme inévitable et souhaitable. C'est ce qu'ont convenu les partenaires sociaux, tout au moins le Medef, la CGPME, la CGT et la CFDT, en signant, le 10 avril 2008, une position commune rappelant la nécessité d'une refonte des critères de représentativité.Les voies de la rénovation. Pour rénover la démocratie sociale, le projet de loi propose d'abandonner la présomption irréfragable de représentativité dont jouissent certaines organisations syndicales. Cet abandon signifierait qu'à l'avenir les organisations syndicales devraient, pour pouvoir accéder à la représentativité, satisfaire à un certain nombre de critères parmi lesquels figurerait en bonne place celui de l'audience. En effet, seules les organisations syndicales ayant obtenu au moins 10 % des suffrages valablement exprimés au premier tour des dernières élections professionnelles (comité d'entreprise, délégués du personnel) pourraient être représentatives au sein de l'entreprise (seuil porté à 8 % au niveau de la branche et au niveau national et interprofessionnel).Le projet de loi renforce par ailleurs la logique majoritaire dans la mesure où, pour être valables, les conventions et accords collectifs devraient être signés par une ou plusieurs organisations syndicales de salariés ayant recueilli au moins 30 % des suffrages exprimés au premier tour des dernières élections professionnelles et ne pas faire l'objet d'une opposition de la part des syndicats ayant recueilli une majorité de suffrages.En quête de légitimité, les organisations syndicales devraient également, si elles souhaitent accéder à la représentativité, satisfaire au critère de la transparence financière. À ce titre, un nouveau chapitre visant à garantir une meilleure transparence et la sécurité juridique du financement des organisations syndicales et patronales devrait être inséré dans le Code du travail. La question du financement de ces organisations, récemment propulsée sur le devant de la scène à la suite des révélations portant sur le financement du dialogue social par l'UIMM, ne pouvait davantage être ignorée. Les ressources et les dépenses des organisations syndicales et patronales devront ainsi avoir un lien avec leur objet et être retracées dans des comptes certifiés et publiés.Les ressources des organisations syndicales et patronales ne résultent pas uniquement des cotisations de leurs adhérents. Elles découlent également de subventions et il est important de pouvoir identifier l'origine de ces dernières afin, notamment, de s'assurer de l'indépendance des organisations syndicales. Enfin, s'agissant toujours du financement du dialogue social, le projet de loi prévoit qu'une convention ou un accord collectif de travail pourrait envisager que les entreprises qui entrent dans son champ contribuent au financement du dialogue social. Ces dispositions font écho à un accord sur le développement du dialogue social dans l'artisanat du 12 décembre 2001. Le produit des contributions au financement du dialogue social devrait être réparti entre les organisations professionnelles d'employeurs et les organisations syndicales représentatives, voilà un autre enjeu de la représentativité !
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