Ryanair fait repousser son procès pour travail dissimulé en France

Le très attendu procès de Ryanair pour entrave au droit social français pour son personnel basé  Marseille entre 2007 et 2010, qui devait se tenir ce jeudi et ce vendredi en correctionnelle à Aix-en-Provence, n\'aura  pas lieu selon trois des dix parties civiles. « Malheureusement, le procès ne se tiendra pas comme prévu », indiquait ce mercredi dans un document à ses adhérents le syndicat de personnels navigants commerciaux UNAC, partie civile au même titre que la caisse de retraite des navigants (CRPN), du syndicat national des pilotes de ligne (SNPL), de l\'Urssaf, de Pôle emploi, du syndicat professionnel Scara... « Le tribunal a fait droit aux demandes de Ryanair et lui a accordé un renvoi (...) les parties civiles en ont été informées vendredi 25 janvier au soir », explique le Scara. Pour le SNPL, le procès va être décalé de plusieurs mois. Il y aura bien une audience ce jeudi, mais pour acter ce report. Pour l\'obtenir, Ryanair a prétexté un changement d\'avocats. « En outre, il y aurait eu des anomalies dans la convocation à comparaître », explique une source au SNPL. Ryanair demanderait un report à la fin de l\'année, les parties civiles veulent le plus tôt possible, avant l\'été. Ils ont été entendu. Le procès est fixé aux 30 et 31 mai prochain.Des contrats irlandaisLa compagnie est notamment accusée de travail dissimulé, d\'entrave au fonctionnement du comité d\'entreprise, à celui des délégués du personnel, à l\'exercice du droit syndical, emploi illicite de personnels navigants (non affiliés au régime complémentaire obligatoire de retraite).Concrètement, le litige porte notamment sur la nature des contrats de travail de 127 employés de Ryanair à Marseille entre l\'ouverture de la base en 2007 et sa fermeture en 2010 (depuis elle est rouverte de manière saisonnière), tous de droit irlandais, comme tous les contrats du personnel de la compagnie irlandaise en Europe. Durant cette période, l\'activité du personnel de Marseille n\'a pas été enregistrée au registre du commerce ni à l\'Urssaf. Et Ryanair n\'a pas rempli de déclaration fiscale en France ni n\'appliqué à ses employés la législation française du travail. Or, en France, un décret publié fin 2006 impose aux compagnies étrangères disposant d\'une base dans l\'Hexagone d\'appliquer le droit de travail français à leurs salariés attachés à cette base, notamment les navigants. Pour eux, la notion de base s\'applique lorsqu\'ils débutent et terminent leur service en France. Chose qu\'ils ne peuvent faire que s\'ils résident dans l\'Hexagone et que, sur le plan opérationnel, les avions « dorment » à la base.La règle européenne selon RyanairUn décret qualifié en 2010, lorsque les ennuis juridiques ont commencé à voir le jour, de « stupide » par Michael O\'Leary, le directeur général de Ryanair. « Nos avions sont immatriculés en Irlande. Nos employés payent leurs impôts, leurs cotisations sociales et de retraite en Irlande, conformément à la législation européenne », déclarait-il en 2010. Très avantageux en raison du faible niveau de charges, le droit irlandais assure un avantage compétitif très important face aux concurrents soumis à un coût du travail plus important, en France en particulier. « Nous revendiquons simplement l\'application d\'une règle européenne, qui désigne la Sécurité sociale française pour les salariés basés à Marseille », a déclaré à l\'AFP l\'avocate du SNPL, Maître Claire Hocquet. « Ryanair ne cotise pas à la caisse de retraite complémentaire: c\'est un problème de dumping social par rapport aux salariés, et de concurrence déloyale par rapport aux autres compagnies », a-t-elle dit.Une compagnie établie en France ou pas? Tout le débat tourne autour d\'une question. Ryanair peut elle dire qu\'elle n\'était pas une compagnie établie en France? Si oui, elle peut appliquer le droit irlandais, sinon elle doit soumettre son personnel établi en France au droit français. Aujourd\'hui, Ryanair nie d\'ailleurs avoir une « base d\'exploitation », ses salariés prenant, selon elle, leurs consignes au siège à Dublin, pour une activité marseillaise temporaire, et volant dans des avions irlandais. La justice estime à l\'inverse que la compagnie mène une activité pérenne, et même croissante, depuis cette base. L\'enquête des gendarmes de l\'Office central de lutte contre le travail illégal (OCLTI) montre ainsi que Ryanair dispose de 300 m2 de locaux, avec des lignes fixes, 95 casiers, des sous-traitants et deux cadres reconnus comme supérieurs hiérarchiques. Une surveillance des parkings révèle aussi que les salariés vivent dans la région.Gros enjeux L\'enjeu de ce dossier est de taille. Soit Ryanair l\'emporte et la compagnie disposera d\'un véritable tremplin pour se développer dans l\'Hexagone avec des coûts sociaux inférieurs à ceux des compagnies françaises. Soit elle perd et les transporteurs français pourront souffler. Car, en augmentant les coûts des low-cost, l\'obligation d\'appliquer le droit du travail français les dissuaderait de créer des bases dans l\'Hexagone. Sans même parler du report de ce procès, ce dossier est loin d\'être fini. Ryanair se défendra jusqu\'au bout. « Si nous perdons, nous en appellerons à la cour de justice de l\'Union européenne, devant laquelle nous pensons gagner car nous appliquons le droit européen ». 
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