XXIe : le siècle chinois

L'affaire est conclue : Geely, obscur constructeur chinois voici encore quelques années, met la main sur Volvo, une marque automobile phare. Faut-il pour autant céder aux inquiétudes d'un prétendu « nouvel impérialisme économique chinois » ? L'analyse de la source de cette puissance permet d'imaginer quelques pistes porteuses d'espoir... ou d'inquiétudes pour le siècle à venir. La croissance tout d'abord. Le marché chinois est aujourd'hui d'un dynamisme insolent, représentant plus de 50 % de la croissance mondiale en 2009. Des voix s'élèvent pour parler d'un marché progressivement fermé aux étrangers, voire périlleux, comme le montre l'affaire Rio Tinto. Il est indéniable qu'après trente années d'investissements internationaux, la montée en gamme technologique permet à certains acteurs locaux d'être à niveau. Doit-on accompagner le mouvement en profitant des dividendes, comme Airbus ? Ou se retirer par crainte de transférer son savoir-faire et de créer ainsi de futurs concurrents ? La voie suivie par des groupes comme Apple, pourtant massivement copiés, ou Nokia, investissant dans un centre de R&D mondial, semble indiquer que c'est par l'innovation permanente que l'on peut tirer son épingle du jeu.Sur le plan géopolitique, on est frappé par la construction d'une puissance maritime dans l'océan Indien ou par l'annonce de la création d'une immense zone économique spéciale à Suez. Dans le domaine financier, le contraste est éclatant. Dans un secteur voué aux gémonies en Occident, la Chine lance les ventes à découvert. Au moment où Wall Street patine, le nouveau marché boursier ChiNext s'envole. Hong Kong se positionne comme une place financière optimale, en plein débat sur les paradis fiscaux. Et au moment où l'Europe pousse dehors les fonds d'investissement, le secteur explose en Chine, avec pour objectif de financer l'innovation et, bientôt, la restructuration des sociétés d'État. La guerre des talents également fait rage. Le fonds souverain chinois recrute à New York, et Shanghai fait les yeux doux aux traders londoniens. Sur les ressources, indéniablement, la Chine est prédatrice. C'est la conclusion naturelle de son statut d'usine du monde. Le risque de tension est réel. Mais, ici aussi, les groupes chinois n'ont fait que profiter de l'absence remarquée des acteurs internationaux et l'absence de vision industrielle long terme en Europe. Enfin, les nouvelles frontières. Le commerce sino-africain représente aujourd'hui plus que le commerce entre les États-Unis et l'Afrique. La Chine occupe la place laissée vacante d'une Europe encore hésitante entre son passé colonial et son abandon du continent africain. Et les arguments moraux parfois avancés en Europe pour contrer cette intrusion sont peu crédibles, surtout lorsque la Chine a permis à de nombreux pays oubliés par la mondialisation d'investir un minimum. On pourrait voir dans l'émergence d'une puissance chinoise la remise à niveau des pendules arrêtées voici plusieurs siècles. Mais il y a ce miroir inquiétant que nous renvoie un pays avec des valeurs différentes, une volonté de rattrapage farouche et un pragmatisme à toute épreuve. Mais tout autant que les indéniables réussites et la nouvelle confiance des Chinois en eux, ce sont les failles américaines ainsi que la déconstruction de l'Union européenne qui ont brutalement accéléré l'émergence de l'empire du Milieu. npoint de vueANDRé LOESeKRUG-PIETRI
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