« Crime et châtiment », au coeur de la barbarie

L'année 1981. Robert Badinter abolit la peine de mort. Aujourd'hui, il imagine pour le musée d'Orsay « Crime et Châtiment », une exposition réalisée par Jean Clair. Soit une histoire du crime, à travers des oeuvres souvent rares et curieuses.Les premiers tableaux parlent de péché. De faute. Mais quelle faute ? Celle de Caïn qui tue son frère Abel. Et ça ne va pas s'arrêter. Le geste fratricide est violent, symbolique. Immortel. D'emblée, l'art et la peinture s'en emparent sans jugement moral, comme dans le tableau de Gustave Moreau. Le crime en est à ses balbutiements. Le châtiment se fait attendre. Même Dieu n'a pas réagi. Les hommes attendent le mythe pour le faire. Bouguereau trouve Oreste. Pour l'instant, le crime ne profite qu'à la mythologie.Mais déjà se profilent les figures des brigands, des femmes fatales et des sorcières. Goya et Delacroix recueillent les bandits de grands chemins, Gustave Moreau, encore lui, exalte Messaline et Füssli traque Lady Macbeth dans les ténèbres. Culpabilité, remords, la justice se met en place et utilise la peine de mort comme rempart au crime. Son plus grand instrument en sera la guillotine. Goya s'introduit dans les prisons, Hugo traque la mauvaise conscience et Daumier raille cette justice à travers ceux qui l'appliquent.Fascination et répulsionIl faut cependant comprendre le crime. On analyse les hommes et les comportements et parfois la victime vole la vedette au criminel. C'est le règne du criminologue Bertillon qui met tout le monde en fiches anthropométriques. Lorsque la presse populaire découvre le crime, c'est pour faire jouer au lecteur un rôle de fascination, répulsion. On parle désormais de faits divers et l'illustration bat son plein à travers la photographie. Les soeurs Papin ou Violette Nozières deviennent des héroïnes, leurs histoires passionnent.Même le théâtre s'en mêle, à travers le Grand Guignol et plus tard le cinéma. Le crime, dans son fantasme même, n'échappe à aucun artiste. Le XXe siècle s'en repaît tant à travers les surréalistes ou des peintres comme Ansor, Egon Schiele ou Magritte.Si l'ensemble des oeuvres présentées étonne souvent, il en est deux qui donnent froid dans le dos. La première c'est la guillotine, la dernière qui fut en service, remontée pour l'occasion et recouverte d'un voile noir transparent. L'autre est la reconstitution de la machine imaginée par Kafka dans son livre «?la Colonie pénitentiaire?». Elles illustrent, à elles seules, toute la barbarie. Lorsqu'elle est vécue et fantasmée. n ? Au musée d'Orsay, jusqu'au 27 juin. Tél. : 01.40.49.48.14. www.musee-orsay.frCatalogue : Éditions musée d'Orsay / Gallimard, 49 euros.
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