Faut-il être plus directif avec la génération Y ?

Les clichés foisonnent autour du management des moins de 30 ans dans l\'entreprise. Nés après 1978-80, on les appelle, de colloques en conférences, la génération \"Y\"...une génération dite \"ingérable\" et \"qui n\'en fait qu\'à sa tête\", à en croire bon nombre chefs d\'entreprises et de DRH. Tout simplement parce qu\'ils demandent beaucoup d\'énergie et d\'investissements. Certainement plus que la génération précédente, les X, nés entre 1960/65 et 1978-80, qui se débattent chaque jour pour rester adaptés aux changements de la société qui vieillit, créée par les baby boomers. Et si plutôt qu\'un effet de génération \"Y\", il s\'agissait d\'un nouvel enjeu culturel et du symptôme de mutations de notre société ? Ces jeunes gens sont souvent présentés comme émotifs, critiques, opportunistes, entreprenants et impatients, voire parfois cossards et \"perso\", faisant passer leur vie privée au premier rang. Ils aiment travailler avec des amis...pour un bon salaire. Les consultants de tous bords recommandent dans leur grande majorité de les \"remotiver\" par un poste plus attrayant et par encore plus d\'attentions portées à leur endroit. Des \"adultes rois\"Et s\'ils étaient plutôt des \"enfants rois\" devenus des \"adultes rois\" ? Et s\'il fallait justement ne pas en rajouter en flattant leur narcissisme mais les aider à mieux accepter le principe de réalité ? C\'est la thèse défendue par Didier Pleux. Ce psychologue clinicien, auteur de \"De l\'adulte roi au tyran roi\" qui vient de paraître chez Odile Jacob, estime que les tenants du \"je fais ce que je veux quand je veux\" rendent impuissants les adeptes du management participatif. A l\'instar des \"enfants rois\", ce psy les appelle les \"adultes rois\", et les définit par un ego surdimensionné et une allergie à toute frustration.\"Ces individus qui dans la rue, au travail, au sein du couple ou en famille agissent en fonction de leur seul bon vouloir grignotent tous les liens sociaux. Le sentiment de l\'autre leur est quasi inconnu, tout investi qu\'ils sont dans une quête inlassable du plaisir immédiat. Au final, ils manifestent une volonté de toute-puissance qui gomme tout principe de réalité. Résultat : refus de se remettre en cause et quête permanente d\'une solution miracle pour trouver une réalité confortable. Leur demande incessante de bonheur se confond avec l\'immédiateté de leur volonté de jouissance. Progressivement l\'homme du XXIème siècle devient un sujet à part entière, mais surtout un \"adulte roi\" qui n\'a de cesse de régner sur autrui et sur le réel\", avance le thérapeute.Réfractaires à toute verticalitéCertes on les rencontre à tous âges, mais s\'ils se retrouvent majoritaires dans la génération Y, c\'est qu\'ils ont été élevés dans des familles qui leur ont laissé, enfants, prendre le pouvoir. En faisant de leurs désirs des ordres, leurs parents les ont amené, malgré eux, à se la jouer perso en s\'impliquant le moins possible. Mais les parents ne sont pas seuls responsables. La société de consommation et l\'ère du \"tout marketing\" les ont également éduqués à ne jamais différer leur plaisir mais au contraire à le satisfaire sans attendre. Surconsommation, surstimulation, survalorisation, surprotection et surcommunication de l\'enfant, ce que Didier Pleux nomme les \"5 S\", aurait petit à petit contribué à faire émerger des asociaux, peu heureux pour autant...Dont la pathologie se résume à la difficulté d\'accepter la réalité, la sienne et celle des autres. Toute sa vie se construisant autour du \"j\'ai envie, je fais\" ou \"je n\'ai pas envie, je ne fais pas\", il est réfractaire à toute \"verticalité\", à toute forme d\'autorité. \"S\'il est juste de contester certains autoritarismes, l\'adulte roi, lui, n\'est pas un \"rebelle\" au sens noble, il est réfractaire à ceux qui savent mieux que lui, à ceux qui peuvent le faire réfléchir, voire l\'infléchir. Comme le disait Rousseau il passera sa vie à \"réfuter avant de s\'instruire\"\", poursuit ce psy.Si ces \"chacun pour soi\" peuvent arranger certaines cultures d\'entreprises, Didier Pleux juge qu\'au final leur désinvestissement quotidien fait qu\'ils ne correspondront jamais à certaines attentes : sens de l\'effort, engagement, fiabilité. \"\"Ce refus de \"partage\" voulu par certains dirigeants d\'entreprise leur paraît incompréhensible. Tout comme il l\'est pour ceux qui tentent de rassembler les forces pour obtenir des avantages, écrit-il. S\'associer, se syndiquer, n\'est pas du goût de l\'adulte roi qui ne revendique qu\'un certain profil \"anarchiste\" pour masquer son désintérêt pour la chose commune\". Pour la plupart adeptes du turn over, ils courent après le milieu de travail idéal un environnement où ils pourront faire ce qu\'ils veulent dans un travail tout le temps motivant. Rois de la procrastination (remettre au lendemain ce qu\'on peut faire le jour même) où on commence mille et une chose \"amusante\" sans jamais aller jusqu\'au bout, ce sont aussi les rois de la mauvaise foi et des stratégies d\'évitement. Management \"à la culotte\"Loin de recommander toujours plus de reconnaissance et d\'attention face à cette génération émotive, comme le préconisent beaucoup de consultants, avec pléthore de modèles de management participatif - ce qui produit l\'effet inverse comme avec un enfant capricieux- Didier Pleux n\'envisage qu\'une solution : l\'éducation. \"On a souvent tendance à continuer d\'alimenter leur ego parce qu\'on a peur de sanctionner ces personnalités assez imbus d\'elles-mêmes. D\'autant qu\'elles sont souvent des pièces maîtresses de l\'organisation parce qu\'elles ont du talent. Mais il y a peu d\'empathie à développer avec ce genre de personnes qui provoquent toujours l\'autre sur le terrain émotionnel. C\'est un rapport de force. Il faut être plus directif voire conflictuel. En somme leur réapprendre un tas de choses comme la vie en communauté, la politesse. Avec eux on attend souvent le super incident. Et après on est vite débordé\". Et de préconiser ce qu\'il nomme un \"management de tutorat\" ou \"management à la culotte\" dans lequel font merveille toutes les techniques d\'affirmation de soi étayées par des contrats où l\'on vérifie et contrôle l\'avancée des travaux. Où l\'on exige plus de choses. Au final une énergie colossale à déployer, c\'est le prix à payer pour réintroduire un peu plus de \"verticalité\" dans le management. Et pour les aider à se structurer.Le participatif vécu comme du \"blabla\"\"Car ils sont fascinés par l\'idéologie très ferme et méprisent en fait la permissivité. Le participatif est vécu comme du blabla. Ils attendent un management plus directif sans être coercitif, qui les sécurisera. Or on fait souvent l\'inverse avec eux : on leur aménage des horaires, on leur confie les projets les plus valorisants comme s\'ils avaient une carence narcissique. C\'est tout l\'inverse\". Privilégiant toujours le \"jouir\", un déni de la réalité et de ses frustrations développe chez ces individus un sentiment d\'omnipotence qui les conduit peu à peu vers la tyrannie, vers une prise de pouvoir sur tout ce qui l\'environne. \"S\'ils ne rencontrent aucune opposition aucune rébellion de la part de leurs sujets devenus objets de satisfaction, si leurs comportements narcissiques irrationnels et leurs passages à l\'acte destructeurs ne sont jamais sanctionnés, alors ils deviennent subrepticement des adultes tyrans. Et quittent toute humanité\".Mais attention : manager avec fermeté mais aussi toute en douceur. \"Toute verticalité étant jugée comme du fascisme, ils ont tôt fait de provoquer leur manager sur le terrain de l\'émotion et de l\'envoyer aux prud\'hommes pour harcèlement moral. D\'autant qu\'ils sont souvent plus intelligents que la moyenne et captent facilement l\'énergie du groupe. C\'est leur côté \"tout puissant\". Jouisseurs immédiats en ce qui concerne toutes les tâches qu\'ils persistent à différer, ces individus se créent, au final, plus de problèmes de frustrations que ceux qui se disciplinent au quotidien. Car nous le rappelle Didier Pleux, \"à contrario de ce que beaucoup pensent, l\'humain qui arrive à accepter les contraintes immédiates s\'en trouve plus heureux et jouit mieux de sa vie\".  
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