Ménages modestes : le gouvernement piégé par les aberrations de la fiscalité française

Le nombre de nouveaux foyers imposables (net de ceux qui ne le sont plus) aurait progressé moins vite en 2013 qu\'en 2012, a fait valoir récemment le ministre du Budget, Bernard Cazeneuve. En 2013, on compterait 18,9 millions de foyers payant l\'impôt (sur 36 millions) soit, 840.000 ménages imposés en plus, contre une hausse de 939.000 en 2012. Le problème de l\'imposition des ménages modestes ne serait donc pas si aigu. En tous cas, il ne s\'aggraverait pas.20% des ménages totalement exonérés de taxe d\'habitationLe hic, c\'est que le sujet va bien au-delà. Les députés PS, qui cherchent à adoucir la facture des ménages modestes, ont d\'autres préoccupations : la situation des foyers qui perdent leur exonération de taxe d\'habitation, ou tout au moins des abattements sur cet impôt, est tout aussi problématique. Et il ne s\'agit pas là d\'une minorité.Près de 20% des ménages bénéficient d\'une exonération totale de la taxe d\'habitation, qui entraine celle de la redevance, ainsi que des avantages souvent accordés par les communes à cette condition. Et 30% des foyers ont droit à une réduction de leur taxe d\'habitation (TH) théorique.La moitié de la population bénéficie d\'une aide aux paiements des impôts locauxLa moitié de la population française bénéficie donc de ce système d\'exonération totale ou partielle de la TH. Pour y avoir droit, les contribuables concernés doivent se trouver sous certains plafonds de revenu. C\'est le revenu fiscal de référence, une création récente, qui est pris en compte. Il s\'agit grosso modo de l\'addition du revenu imposable et des dividendes ou autre plus values imposées à part. Autrement dit, pour des ménages modestes, le revenu fiscal de référence (RFR) correspond souvent au traditionnel « imposable ».Pour être exonéré de taxe d\'habitation, il faut déclarer un RFR inférieur à 10.024 euros par an pour un célibataire, et 15.376 euros pour un couple. 20% des foyers se trouvent donc sous ces seuils. Pour avoir droit à une réduction de la taxe, ce même RFR doit se situer sous les 24.043 euros pour une part de quotient familial, et 29.660 euros pour un couple, chaque enfant (demi part), comptant pour 4.421 euros supplémentaires. Voilà comment 30% des ménages ont droit à ce type d\'exonération.Une fiscalité locale largement dépendante du revenuLa fiscalité locale, théoriquement autonome et dépendante de la « valeur locative » des logements est donc, pour les contribuables, largement dépendante de leurs revenus. En gelant le barème de l\'impôt pour 2012 et 2013 (revenus de 2011 et 2012), gel qui s\'est appliqué aussi aux seuils pris en compte pour ces exonérations et réductions, le gouvernement Fillon n\'avait peut être pas pris la mesure de cette décision. Car, aujourd\'hui, de nombreux foyers perdent leur exonération de taxe d\'habitation en raison d\'une très légère hausse de leurs revenus, parce que les seuils n\'ont pas bougé depuis les revenus de 2010.Une peu plus de revenu, beaucoup d\'impôt en plus et de prestations en moinsSurtout, à cette exonération de la taxe d\'habitation, sont attachés différents avantages : non paiement de la redevance télé, bourses pour les élèves, cantines gratuites, autres aides accordées par les communes, tarifs des transports collectifs moins élevés….  Autrement dit, les foyers qui sont passés cette année au dessus des plafonds de RFR, en raison de quelques dizaines d\'euros de revenus supplémentaires,  perdent beaucoup plus que la simple taxe d\'habitation (dont ils n\'acquittent qu\'une partie, grâce au système d\'abattements).Les retraités exonérés de CSGPar ailleurs, sous le plafond des 10.024 euros de revenu annuel, les retraités bénéficient, outre l\'exonération de taxe d\'habitation, de celle de la CSG et de la CRDS. Et ceux dont le revenu dépasse ce plafond, mais n\'ont pas payé d\'impôt l\'année précédente, paient une CSG réduite au taux de 3,8%. En devant imposables, ils passent à 6,2% de CSG…La solution politique qui tient la corde, pour faire face au mécontentement des ces foyers, serait de relever le plafond du revenu fiscal de référence bien au-delà de la hausse des prix prévue pour 2013, afin que les ménages concernés retrouvent leurs exonérations. C\'est ce dont devraient débattre les députés PS ce mardi.A quand une réforme d\'un système absurde?Mais comme l\'admet le secrétaire général du Syndicat national unifié des impôts (Snui), Vincent Drezet, « c\'est une solution de court terme ».Il faudrait, en réalité, une remise à plat de tout le système de l\'imposition locale, qui aboutit à faire payer des taxes d\'habitation importantes aux occupants de logements sociaux construits dans les années 70 : les bases de calcul des impôts locaux datent de 1970, et des éléments de confort aujourd\'hui évidents (salles de bain…), dont étaient dotés ces HLM, étaient encore considérés, alors, comme luxueux, ou presque. D\'où des impôts importants. Dont l\'Etat exonère ceux qui ne peuvent le payer (ou le réduits pour 30% des foyers).Tous les logements sont aujourd\'hui équipés de salles de bains, mais elles n\'ont pas toutes été déclarées à l\'administration, loin s\'en faut.L\'imposition plus importante de logements sociaux a donc conduit à la mise en place d\'un système aberrant de paiement des impôts locaux par le contribuable national  Le gouvernement a promis une réforme de ces \"valeurs locatives\", calculées en 1970, qui servent de base au paiement des taxe locales. Mais nombre de ses prédécesseurs ont reculé devant l\'importance des transferts qu\'imposerait une rationalisation du système.
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