Les Européens veulent contrôler leurs données bancaires

queC'est une espèce de Google Mail géant. Mais les messages qui circulent sur ses serveurs ont la sécheresse d'un ordre de virement et ses échanges sont aujourd'hui au centre de tractations diplomatiques. Swift est une société coopérative installée dans la banlieue de Bruxelles, mais ses installations appartiennent à la courte liste des infrastructures critiques. Elle traite chaque jour en moyenne 16 millions de messages échangés entre 9.000 banques. Swift n'est ni dépositaire de fonds ou de titre ni contrepartie, mais c'est un n?ud essentiel du système financier mondial, au point que ses centres de stockage doivent être éloignés au minimum de 500 kilomètres les uns des autres. Il faut « que l'on conserve les données en cas de catastrophe majeure sur un site », explique un porte-parole. Jusqu'à présent, elle n'avait que deux centres : l'un aux Pays-Bas, l'autre aux États-Unis, l'un assurant le « backup » de l'autre. Un troisième, en Suisse, ouvrira le 1er janvier.À la fin des années 1990, l'administration Clinton qui venait de lancer son programme de traque du financement du terrorisme a profité de son pouvoir de juridiction pour demander à Swift-USA de laisser le Trésor feuilleter ses archives pour pister virements et transferts entre organisations ou personnes suspectes. Révélée en 2006 par le « New York Times », cette coopération forcée avait laissé le monde politique européen sans voix. Apparemment, les autorités politiques européennes, les banques elles-mêmes, sans parler des intéressés titulaires de compte avaient été maintenus dans l'ignorance. Suite à cela, Swift a décidé de « mettre les données européennes à l'abri » des autorités américaines, selon un porte-parole, en ouvrant un nouveau centre près de Zurich. Ce centre, opérationnel à partir du 1er janvier, deviendra le « miroir » du centre américain, les données concernant strictement les banques européennes étant conservées, elles, aux Pays-Bas.soulagement américainHier, à Bruxelles, le ministre de l'Intérieur, Brice Hortefeux, et ses 26 homologues européens se sont entendus sur un nouveau « modus operandi », temporaire, avec Washington qui tienne compte de cette nouvelle organisation. Au grand soulagement des autorités américaines qui se sont empressées de saluer le « leadership et le dévouement » de la présidence suédoise qui pilotait les négociations entre Européens. Tout le monde ne l'entend pas de cette oreille. Berlin et Vienne avaient menacé de mettre leur veto pour cause de protection insuffisante des droits des Européens. « L'accord proposé concerne des données qui n'ont aucune connexion territoriale quelle qu'elle soit avec les États-Unis », déplorait déjà en juillet le superviseur européen de la protection des données, Peter Hustinx. Et d'ajouter : « Les mesures proposées affecteront toute une série de droits et d'intérêts fondamentaux. » L'accord intérimaire prévu pour durer un an a été limité à neuf mois. Les négociations avec les États-Unis reprendront début 2010.Yann-Antony Noghès, à Bruxelle
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