Le crédit d'impôt innovation : réelle avancée ou fausse bonne idée ?

On ne peut, en première analyse, que se réjouir d’une volonté affichée du gouvernement de renforcer son soutien aux entreprises innovantes. Mais dans le fond comme dans la forme, cette mesure nous inspire chez NÉVA, en tant qu’experts dans l’obtention de financements publics à l’innovation depuis 18 ans, quelques sérieuses inquiétudes.Comprendre le Crédit impôt innovationAvant tout, il convient de bien comprendre le Crédit impôt innovation (CII), il est impératif de bien comprendre le Crédit Impôt Recherche (CIR) et ses critères d’éligibilité. Le CIR est une subvention destinée à toutes les entreprises qui consacrent une part de leurs ressources à la R&D. Il est calculé annuellement et donne droit à un remboursement qui s’élève en moyenne à 45% des dépenses de R&D engagées. Mais qu’entend réellement l’administration par «dépenses de R&D»? Il s’agit en substance des dépenses liées à des projets répondant à 4 critères suivants : l’originalité des travaux par rapport à l’état de l’art, leur complexité, la qualification des personnels concernés et enfin le progrès qu’ils apportent par rapport aux pratiques ou connaissances antérieures.Le CII, tel qu’il est présenté dans le projet de Loi de Finances 2013, reprend le même principe de fonctionnement. Cependant, il élargit le champ des dépenses éligibles à certaines dépenses d’innovation réalisées en aval de la R&D, portant sur les activités de conception de prototypes de nouveaux produits ainsi que sur les installations pilotes. Le texte du projet de Loi de Finances 2013 précise:Est considéré comme nouveau produit un bien corporel ou incorporel qui satisfait aux deux conditions cumulatives suivantes :- il n’est pas encore mis à disposition sur le marché - il se distingue des produits existants ou précédents par des performances supérieures sur le plan technique, de l’éco-conception, de l’ergonomie ou de ses fonctionnalités Le prototype ou l’installation pilote d’un nouveau produit est un bien qui n’est pas destiné à être mis sur le marché mais à être utilisé comme modèle pour la réalisation d’un nouveau produitDes enjeux limitésLes enjeux du crédit impôt innovation (CII) seront, contrairement à ceux du crédit impôt recherche, très limités : l’entreprise ne pourra pas déclarer plus de 400.000 euros de dépenses par année et ne sera remboursée qu’à hauteur de 20%. En définitive, le CII sera donc limité à 80.000 euros par an et par entreprise. Il suscite en outre plusieurs motifs d'inquiétude:Le remboursement du CII étant plafonné, cela pourrait entraîner une diminution significative des aides versées• Le CII, tel qu’il est décrit dans le projet de Loi de Finances, vient compléter le CIR en visant des dépenses supplémentaires. Cependant, dans les faits, et conformément aux critères d’éligibilité mêmes du CIR, bon nombre d’entreprises incluent déjà ces dépenses dans leur déclaration de CIR. Le risque est donc que l’administration fasse une interprétation restrictive de la loi, en considérant dorénavant certaines dépenses comme éligibles au CII et non plus au CIR. Comme le remboursement du CII est plafonné, ce phénomène entraînerait une diminution significative des aides versées, et non leur augmentation, comme le veut l’esprit de la loi sur le CII.Suppression de l'avantage aux primo-accédants• Au-delà de ce risque absurde de vase communiquant, le financement du CII n’est pas sans répercussion directe sur le CIR. En effet, les entreprises qui déclarent leur CIR pour la première fois (ou pour la première fois en 5 ans) ont droit à un bonus : une majoration de 33% des montants versés la première année, et de 16,7% la deuxième année. Dans la plupart des cas, il s’agit de PME, de TPE ou même de start-up en phase d’amorçage, encore très fragiles. Afin de financer le CII, le gouvernement propose de supprimer tout simplement cet avantage aux primo-accédants, ce qui porterait un coup très rude à ces entreprises qui sont en définitive celles qui en ont le plus besoin.Le CII ouvre une brèche• Mais le plus grand risque que fait porter le CII sur le CIR, c’est qu’il ouvre une brèche dans le dispositif : en introduisant une catégorie des dépenses strictement plafonnée et moins bien remboursée, le danger est que le gouvernement, dans ses futures lois de Finances, élargisse petit à petit le champs des dépenses éligibles au CII, au détriment de celles éligibles au CIR, en réservant petit à petit ce dernier à la seule recherche fondamentale (qui ne concerne qu’une petite minorité d’entreprises), alors qu’aujourd’hui le CIR concerne aussi la recherche appliquée et surtout, majoritairement, les développements (y compris informatiques) expérimentaux.Toute mesure qui diminuerait les aides réservées aux PME innovantes serait inéluctablement répercutée sur l’emploiEn conclusion, les questions qui se posent sont simples : pourquoi créer de toute pièce un CII, alors qu’il suffirait d’élargir le champ des dépenses éligibles du CIR actuel qui a prouvé son efficacité depuis 30 ans? Pourquoi répercuter son coût sur les sociétés les plus fragiles que sont les petites PME et les start-up, alors qu’elles représentent le plus fort potentiel en termes de création d’emplois? Ce qui est certain, c’est que dans un contexte d’attentisme et de crainte pour les entreprises, toute mesure qui diminuerait les aides réservées aux PME innovantes serait inéluctablement répercutée sur l’emploi, avec les conséquences que l’on connaît. * Larry Perlade a fondé en 1995 le cabinet Néva qui conseille les entreprises pour la mise en œuvre du Crédit Impôt Recherche (CIR).
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