« Bubusse » défie la fée Mélusine

Fin janvier, le brouillard reste épais au pays de la fée Mélusine. Le Marais poitevin hiberne, à l'écart des premiers roulements de tambour de la bataille des régionales, qui opposera ici Ségolène Royal, ex-candidate socialiste à la présidentielle de 2007 et possible candidate à celle de 2012, à Dominique Bussereau, ministre en mission de Nicolas Sarkozy.La région Poitou-Charentes est depuis 2004 le « laboratoire » de Ségolène Royal. Démocratie participative, écologie et défense de l'emploi forment le triptyque sur lequel la présidente PS s'appuie pour solliciter un nouveau mandat à Poitiers. Elle part favorite, certains de ses partisans rêvant même d'une élection au premier tour, le 14 mars.La situation s'est toutefois compliquée depuis six ans. En 2004, alliée aux Verts, aux radicaux de gauche et aux communistes, Ségolène Royal avait obtenu un score écrasant dès le premier tour, 46,3 %, balayant la candidate UMP choisie par Jean-Pierre Raffarin, Élisabeth Morin, qui avait obtenu 32,9 % des suffrages. Au second tour, avec 55,1 % des voix, Ségolène Royal avait figuré parmi les mieux élus des nouveaux présidents de région socialistes.En 2007, la région a voté à 51,26 % pour sa présidente au second tour de la présidentielle. Et aux européennes de juin 2009, le Parti socialiste a ici mieux résisté qu'ailleurs aux assauts d'Europe Écologie, avec 19,4 % des voix contre 14,6 %.Aujourd'hui, Ségolène Royal part en campagne sans avoir obtenu une alliance en bonne et due forme avec ses alliés d'hier. Mais, tenace, elle a obtenu le ralliement de quelques élus du Modem en Charente-Maritime, suscitant la colère de François Bayrou. Trois élus Verts l'ont également rejointe, tout comme des syndicalistes d'entreprises menacées, comme Heuliez et New Fabris. Et les contacts sont maintenus avec des communistes.Même si cette stratégie « d'ouverture » provoque quelques grincements de dents dans les rangs du PS picto-charentais, Ségolène Royal s'en tient à la promotion de ceux qu'elle désigne comme des « éclaireurs qui ouvrent les chemins de l'avenir » et dessinent les contours de ce que pourrait bien être une future coalition « arc-en-ciel »... en 2012.Victime au plan national de la lente offensive de décrédibilisation menée par sa propre famille politique, mais aussi de ses à-coups stratégiques, en perte de vitesse dans l'opinion, Ségolène Royal sait qu'elle doit frapper fort les esprits aux régionales pour revenir dans la course pour la prochaine présidentielle. Le dernier sondage Ifop pour « Le Journal du dimanche » la classe troisième du palmarès des présidentiables établi par les sympathisants socialistes. Avec 11 % d'opinions favorables, elle est à la traîne derrière Martine Aubry (27 %) et Dominique Strauss-Kahn (25 %). De plus, si la gauche réussit le 21 mars un grand chelem dans les 22 régions métropolitaines, la victoire de Ségolène Royal risque d'être diluée. Sauf si elle est éclatante.« Nous ne sommes pas là pour élire la fée Mélusine ! » Devant des militants réunis le 21 janvier à Saint-Maixent-l'École, à une poignée de kilomètres de Melle, ancien fief de Ségolène Royal dans les Deux-Sèvres, le ton de la campagne de l'UMP est donné par Dominique Bussereau. La fée poitevine était certes une bâtisseuse mais femme, serpent et oiseau, elle a eu un destin tragique. Et l'avenir que la droite promet à la présidente de Poitou-Charentes n'est guère plus souriant.À la tribune, le secrétaire d'État aux Transports fustige celle qui « utilise la région comme marchepied pour arriver à la une de ?Paris Match? et de ?Voici? ». Tous les intervenants sont au diapason, comme le sénateur des Deux-Sèvres, Michel Bécot, qui affirme que du célèbre « laboratoire va sortir le vaccin anti-Royal ».Dominique Bussereau ne cache pas qu'il a dû céder à « l'insistance » de l'UMP, et surtout de Nicolas Sarkozy, pour venir affronter Ségolène Royal. « On fera tout pour la battre ou au moins la recadrer sérieusement », affirme le secrétaire d'État aux Transports, qui, au nom du non-cumul des mandats, a abandonné à regret son mandat municipal en Charente-Maritime pour conduire la bataille. Il ironise : « Martine Aubry ne viendra même pas la soutenir ! Si madame Royal perdait, j'aurais ma carte de militant d'honneur au Parti socialiste, je suis en quelque sorte le premier à participer aux primaires de la gauche pour 2012 ! »Dominique Bussereau compte, lui aussi, sur des listes « de rassemblement » dès le premier tour, grâce notamment au ralliement des partisans de Philippe de Villiers et des chasseurs. N'y figureront que « 2 sortants sur 55 candidats et des gens de moins de 50 ans ». « Quel que soit le résultat, ces gens partiront après sur d'autres élections. C'est l'occasion de mettre en lice des personnalités nouvelles. Nous avons fait le choix d'un investissement sur l'avenir », souligne-t-il.Le secrétaire d'État aux Transports est ardemment soutenu par Jean-Pierre Raffarin, ancien jeune giscardien comme lui, qui le surnomme « Bubusse ». L'ancien Premier ministre, qui n'a toujours pas digéré l'affront de 2004, rêve d'un « 21 avril » picto-charentais, en référence à l'élimination du socialiste Lionel Jospin au premier tour de la présidentielle de 2002. Et Dominique Bussereau muscle son discours contre Ségolène Royal. « Ce qui me frappe, c'est que la région n'a plus de partenaire, les gens ont du mal à travailler avec la région. Celle-ci est absente sur les grands travaux. Il y a trop de dispersion. Et une campagne se fait sur un projet et non sur un bilan », insiste-t-il.Parfois, les arguments heurtent le credo traditionnel de l'UMP. « Ne pas augmenter les impôts, c'est bien, mais du coup, la région n'a pas les moyens d'investir, elle a perdu de son éclat », regrette ainsi le secrétaire d'État de Nicolas Sarkozy. Le président de la République avait pourtant lancé la campagne de l'UMP fin novembre en dénonçant une « horreur fiscale » dans la majorité des régions administrées par la gauche.À un mois et demi du scrutin, la campagne se tend. Ségolène Royal a menacé de poursuites judiciaires son adversaire, qui l'a accusée d'avoir « menti » sur le sauvetage d'Heuliez. Elle le décrit comme « un envoyé de l'Élysée, revanchard et cumulard ». Les deux adversaires devraient s'affronter lors d'un débat télévisé mi-février.Hélène Fontanaud Le scrutin régional en Poitou-Charentes sera étudié à la loupe à l'Élysée et au PS car le score de Ségolène Royal, qui affronte Dominique Bussereau, aura une incidence certaine sur la stratégie présidentielle de l'ex-candidate socialiste de 2007.
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