Egypte, Tunisie... le grand retour du risque politique

L'Égypte écrit actuellement une nouvelle page de son histoire. Hier, un million de personnes ont manifesté contre Hosni Moubarak. La grogne de populations, trop longtemps exclues des foyers de croissance de leur économie, a déjà provoqué le brutal changement de régime en Tunisie avec la fuite du dictateur Ben Ali. De nombreux pays arabes pourraient être touchés par la contagion. D'autres, telle la Côte d'Ivoire, sont aussi en pleine instabilité. Cette perspective de bouleversements géopolitiques envahit également la planète finance. Les entreprises très implantées dans les pays à risques sont aujourd'hui contraintes de réagir vite. Les stratèges sont eux aussi amenés à intégrer cette nouvelle donne dans leur politique d'investissement. Les marchés vont-ils pour autant revoir intégralement leur feuille de route cette année ?Retour du baril à 100 dollars« Traditionnellement le risque politique pousse à délaisser les actifs risqués - actions et obligations d'entreprises - au profit de l'or et des obligations d'État plus sûrs. Reste qu'avec le problème de la dette, c'est l'or qui devrait en profiter en priorité », explique Pierre Sabatier, stratégiste chez Primeview. Preuve en est que le cours du métal jaune, qui a perdu 7,52 % sur le mois de janvier, vient de retrouver son rôle de valeur refuge en rebondissant ces trois derniers jours de près de 2 %. Les conséquences immédiates se reflètent surtout sur les cours du pétrole qui ont franchi, pour la première fois depuis octobre 2008, les 100 dollars le baril. Par effet de domino, d'autres conséquences sont à attendre. « Le risque géopolitique engendre une envolée des prix du pétrole, et par conséquent une baisse du dollar. Cela constitue un autre élément favorable à une remontée de l'euro », souligne à ce titre François Chevallier, stratégiste chez Banque Leonardo.Du reste, les experts s'accordent à relativiser l'impact direct de l'instabilité politique actuelle en Égypte sur les marchés financiers. « Les années 2000 ont marqué une résurgence du risque géopolitique avec, entre autres, le 11 Septembre et la guerre en Irak et en Afghanistan. Il s'agissait alors d'un risque perçu comme négatif. Or, ce n'est pas forcément le cas aujourd'hui. Les bouleversements dans le monde arabe peuvent éventuellement déboucher sur une plus grande ouverture économique et politique », souligne Jean-Pierre Petit, président des Cahiers Verts de l'Économie. Un avis partagé par Frédéric Buzaré, responsable de la gestion actions chez Dexia AM : « Dans le cas présent, il n'y a pas encore de réels risques de nouvelles répercussions sur le pétrole. C'est pourtant ce que le marché redoute le plus : un impact sur les cours du baril et certaines matières premières comme en 2008, inflation susceptible d'étouffer la demande et la croissance mondiale. » Au-delà des conséquences économiques, certains à l'image de Pierre Sabatier remarquent que l'hyperinflation pourrait engendrer des troubles sociaux et politiques à plus grande échelle dans la région.Dans ces conditions, « il faut surveiller le potentiel de contagion vers l'Algérie, dont le poids dans la production pétrolière et les réserves est beaucoup plus important que celui de l'Égypte, sans parler de l'Arabie Saoudite », avertit Jean-Pierre Petit. En attendant, « l'enchaînement des événements pourrait entraîner à court terme l'instauration d'une prime de risque sur les pays émergents. Les troubles actuels montrent que ces pays ne sont pas à l'abri d'une vague d'instabilité avec une inflation galopante sur les produits alimentaires », conclut Frédéric Buzaré.
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