« Se focaliser sur les taux, pas sur le pétrole »

Souvenez-vous juillet 2008. La crise des subprimes n'en est qu'à ses balbutiements et, deux mois avant la chute de Lehman Brothers qui précipitera la finance au bord du gouffre, les marchés ont les yeux rivés sur les seuls cours du pétrole. Près de 147 dollars le baril sur le New York Mercantile Exchange (Nymex), un record historique. L'effondrement des marchés, la récession économique mondiale et donc la faiblesse de la demande en produits pétroliers avaient alors mis fin à cette tendance haussière. Mais les causes de cette flambée n'ont pas disparu pour autant. Et voilà que la révolte en Libye propulse le baril à près de 100 dollars. Et le gallon à près de 3,50 dollars à la pompe. Or, chaque cent de hausse représente plus de 1 milliard de dollars par an : une aubaine pour les compagnies pétrolières (Exxon Mobil a grimpé de 17 % depuis le début de l'année et Chevron de 14 %) mais autant d'argent qui n'est pas dépensé ailleurs. Si la barre des 4 dollars le gallon est franchie, « les effets pour la croissance deviendront sérieux, » prévient Nigel Gault, économiste en chef chez IHS Global Insight. Selon ses calculs, une hausse de 10 dollars du baril amputerait ainsi la progression du PIB américain de 0,2 % cette année et supprimerait 120.000 emplois.De quoi faire redouter une rechute de l'économie américaine ? Si, depuis 1970, chaque pic sur les marchés pétroliers a été suivi d'une récession, Wall Street n'y croit pas encore. Elle se contente pour l'instant d'observer, laissant les doutes et les inquiétudes à d'autres. Les marchés ont bien subi une correction la semaine dernière mais cela n'a pas duré. Car les investisseurs américains font désormais preuve d'un optimisme à toute épreuve, mais aussi d'une incroyable faculté à transformer chaque mauvaise nouvelle en bonne nouvelle. « Jusqu'à 120 dollars le baril, l'impact de la hausse des prix du pétrole est positif pour les profits de S&P 500 », assure par exemple Bank of America, qui recommande de « rester focalisé sur les taux et pas sur le pétrole ». En clair : la politique de taux zéro de la Réserve fédérale - et son programme d'assouplissement quantitatif (QE2) - continuera à soutenir la croissance.Mais que se passera-t-il si la situation empire ? Les perturbations en Libye pourraient déboucher sur une importante contraction de l'offre, malgré les efforts consentis par les autres producteurs pour en atténuer les effets. « Plus inquiétant, reconnaît Bank of America, les mouvements sociaux en Algérie, en Syrie, au Yémen et en Arabie Saoudite pourraient provoquer des tensions persistantes dans la région. » Avec elles, des risques d'inflation et de durcissement anticipé des politiques monétaires, notamment en Europe. Outre-Atlantique, cela n'inquiète pas : ni les marchés ni même les membres de la Réserve fédérale. « La sous-utilisation des ressources de notre économie est encore très marquée », estime ainsi William Dudley, le président de la Fed de New York, pour écarter toute pression inflationniste. Et un relèvement des taux. Pas de souci à se faire donc !
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