Banques centrales, profits bancaires et vérités

La publication des résultats des banques pour 2009 a suscité de multiples réactions. On ne saurait pas s'en étonner : partout les États ont joué un rôle clé dans la stabilisation du système financier. À elle seule, cette réalité justifie que l'on s'interroge pour savoir dans quelle mesure les profits dégagés sont de « justes » profits. Une théorie sévit actuellement : elle qui voit dans les injections de liquidités des banques centrales la source même de ces profits. Un petit calcul résume le raisonnement. Si les banques américaines et européennes ont réalisé 100 milliards d'euros de profits, emprunté 2.000 milliards d'euros à leurs banques centrales à 1 % et prêté à leurs clients à 5 %, la part de leurs bénéfices due aux liquidités injectées est de... 80 %. Le calcul est juste mais le raisonnement, lui, ne l'est pas.Pour s'en convaincre, il faut revenir sur le fonctionnement même de « la planche à billets ». Une banque centrale peut créer de la monnaie en imprimant des billets qu'elle « injecte » ensuite dans l'économie soit en prêtant l'argent sorti de ses presses, soit en s'en servant pour acheter des titres. Mais une banque centrale peut aussi, comme toute banque, créer de la monnaie par un simple jeu d'écritures, en créditant dans ses livres les comptes de ceux qui empruntent auprès d'elle (ou lui vendent des titres). C'est bien sûr, pour l'essentiel, de cette façon qu'ont été injectées les sommes évoquées. Mais que sont devenus les 2.000 milliards d'euros ainsi créés ? Ils sont toujours, pour l'essentiel, au crédit des banques dans les livres des banques centrales. Ils n'en disparaîtront qu'au fur et à mesure où les prêts ne seront pas renouvelés (ou lors de la revente par la banque centrale des titres achetés). Mais si ces 2.000 milliards d'euros sont toujours là, ils ne peuvent pas être ailleurs ! Les banques ne se sont pas servies de ces liquidités pour prêter à leurs clients, mais pour prêter... à la banque centrale. Bien sûr, ce ne sont pas les mêmes qui, en permanence, empruntent et prêtent. Mais globalement, les banques ont prêté aux banques centrales à peu près autant qu'elles leur ont emprunté. Comment d'ailleurs s'en étonner ? N'est-ce pas précisément la défaillance des circuits par lesquels les banques qui ont trop de liquidités prêtent à celles qui n'en ont pas assez qui a motivé l'intervention des banques centrales ? Les montants injectés n'ont fait que compenser ceux qui ont reflué auprès d'elles. Loin de rapporter aux banques, prises dans leur ensemble, cette interposition des banques centrales leur coûte. Comme toute banque là encore, les banques centrales empruntent moins cher qu'elles ne prêtent (la BCE emprunte aux banques à 0,25 % et leur prête à 1 %). Est-ce à dire que les banques centrales ne sont pour rien dans les profits des banques ? Non, bien sûr. Ce n'est toutefois pas le montant de leurs interventions qui a joué, mais le niveau de leurs taux directeurs. En l'abaissant, elles ont tiré vers le bas l'ensemble des taux, et en particulier, ceux qui déterminent la rémunération des dépôts et autres ressources bancaires. Si l'encours des prêts bancaires n'a pratiquement pas augmenté, le coût des ressources a, lui, nettement diminué. Par ce biais, une politique de taux bas aide traditionnellement à recapitaliser les banques. Cela n'empêche bien sûr pas de débattre de la légitimité des profits aujourd'hui réalisés. Mais autant le faire sur une base claire. ?Point de vue Anton Brender Directeur des études économiques de Dexia AM
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