Estrosi  : le mécano de Sarko

Brushing impeccable et sourire éclatant comme à son habitude, Christian Estrosi sera ce jeudi aux côtés de son ami de vingt-cinq ans, Nicolas Sarkozy. À l'occasion d'un déplacement chez Eurocopter à Marignane, le président annoncera les mesures qu'il tire des états généraux de l'industrie piloté depuis l'automne par Christian Estrosi.Une forme de consécration et un soutien visible pour le ministre de l'Industrie. Son activisme depuis sa nomination à ce poste en juin dernier est, en effet, loin de convaincre. New Fabris, Molex, Continental, Nortel, Sanofi, Philips, Heuliez, Total : à chaque sinistre industriel, Estrosi est immédiatement monté au front, rabrouant les patrons et réconfortant les salariés menacés. « J'ai préservé des milliers d'emplois », s'enorgueillit celui qui se présente comme le « ministre des ouvriers ». Mais les emplois sauvegardés et les repreneurs annoncés sont nettement moins nombreux que les innombrables communiqués de presse publiés par le ministre. « M. Estrosi n'a que des mots, mais pas de ministère », ironise Bernard Thibault. « C'est un pompier pyromane », renchérit François Chérèque.Malgré un bilan en demi-teinte, le ministère de l'Industrie aurait métamorphosé Christian Estrosi au dire de ses proches. Un déclic qui ne serait pas intervenu à l'Outre-mer ou l'Aménagement du territoire, ses précédents maroquins. « Son image a changé. Il symbolise aujourd'hui le bosseur qui connaît ses dossiers », estime l'un de ses conseillers politiques.Si les foules en sont persuadées, Estrosi pourra dire qu'il revient de loin. Il s'est habitué aux sobriquets déplaisants voire méprisants (y compris venant de son propre camp) : « motodidacte » en référence à sa passion de jeunesse pour les gros cubes ; « bac ? 5 » pour rappeler que ce petit-fils d'émigré italien préférait la rue aux salles de cours ; « beauf », en référence à son populisme. À l'UMP, certains redoutent ses « bourdes » régulières, comme lorsqu'il a affirmé qu'« Hitler n'aurait pas survécu au débat sur l'identité nationale » d'Éric Besson... Dans un récent meeting de soutien au candidat UMP aux régionales en Bourgogne, il a appelé à voter pour le socialiste sortant ! Ou encore lorsqu'il a évoqué la nouvelle Safrane, que Renault s'apprêterait à construire à Sandouville, alors que le modèle a disparu des catalogues depuis des années. Sa fibre par trop populiste alimentée par ses prises de position pour le rétablissement de la peine de mort ou son hostilité au Pacs lui aurait d'ailleurs fermé quelques portes, comme la présidence du groupe UMP de l'Assemblée nationale qu'il visait en 2007.À Bercy, chasse gardée de l'«énarchie», son installation en juin a fait jaser. D'autant que l'intéressé a obtenu de l'Élysée le titre de ministre « charg頻 de l'industrie plutôt que « délégu頻. Un détail qui n'a pas arrangé les choses avec sa ministre de tutelle Christine Lagarde, dont le style BCBG est à des années-lumière de celui de l'ancien motard. Mi-janvier, à l'occasion des voeux à la presse, l'exaspération de Lagarde lors de l'intervention d'Estrosi n'a d'ailleurs échappé à personne...Pour montrer son indépendance, celui-ci n'a, du reste, pas nommé à la tête de son cabinet un inspecteur des finances voire un ingénieur des Mines, comme le veut la tradition, mais un préfet. Avant lui, un autre ministre arrivant à Bercy avait fait de même : un certain Nicolas Sarkozy en 2004 avec Claude Guéant. Les habitués du ministère n'apprécient pas davantage qu'à côté des traditionnels conseillers techniques chargés de suivre les secteurs industriels, Christian Estrosi se soit entouré d'une garde rapprochée de militants UMP et de communicants qui font la pluie et le beau temps.Mais l'Industrie n'est visiblement pas une fin en soi pour Estrosi. « Ce qu'il y a de pire, ce sont les hommes politiques qui jouent les experts. Au contraire, les politiques doivent être adaptables. » En clair, Estrosi ne dirait pas non à un autre maroquin. Il rêve depuis longtemps de l'Intérieur, aujourd'hui tenu par un autre sarkozyste historique, Brice Hortefeux, avec qui il n'entretient pas les meilleures relations. À défaut, il se contenterait en attendant d'un ministère de l'Industrie élargi aux PME, à l'artisanat et à la consommation.Sarkozy joue l'ouverture, Estrosi aussi. Le ministre chargé de l'industrie se vante de la pratiquer dans sa bonne ville natale de Nice, conquise haut la main en 2008 sur l'ancien lepéniste Jacques Peyrat. « Vous connaissez beaucoup de communes où la commission des finances, celle des appels d'offres et le centre communal d'action sociale sont détenus par l'opposition ? » lâche-t-il, visiblement très satisfait. « J'ai même failli accueillir sur ma liste un responsable de la CGT. » Preuve que Nice n'est plus la cité droitière mise à l'index par les bien-pensants : pour la première fois cette année, la tournée des Restos du coeur a fait un arrêt, fin janvier, sur la promenade des Anglais. Les Enfoirés, qui boycottaient la ville auparavant, ont même dîné avec Christian Estrosi après leur spectacle. La photo a naturellement figuré en bonne place dans le bulletin municipal. Comme le chef de l'État, Estrosi est également un adepte des « coups » politiques. Il n'est pas peu fier d'avoir débauché tout récemment l'actrice Sophie Duez, élue en 2008 conseillère municipale sur la liste PS, pour prendre en charge la reconversion d'anciens abattoirs en futur espace culturel branché. De quoi faire pâlir d'envie Bertrand Delanoë et les bobos parisiens. Estrosi devrait également confier à un universitaire de renom catalogué à gauche une mission de réflexion sur son projet de transformer la vallée du Var, à l'ouest de Nice, en écovallée.L'ancien motard se veut aussi historien à ses heures. Il publiera en mai, en collaboration, il est vrai, avec un historien professionnel, un ouvrage consacré au bilan économique et social du Second Empire. Estrosi veut célébrer de cette façon le 150e anniversaire, cette année, du rattachement du comté de Nice à la France signé par Napoléon III. Le maire de Nice avait un temps envisagé demander le transfert des cendres de l'empereur, qui se trouvent dans le sud de l'Angleterre. « Cela n'aurait pas été bien vu par nos amis anglais », concède-t-il, un peu déçu... Patrick Coquidé
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