Georges Pauget : "L'Union bancaire permettrait la déconnexion entre dette bancaire et dette des Etats"

Georges Pauget, président du cabinet conseil Economie, finance et stratégieLa Tribune : Croyez vous possible la création imminente d\'une union bancaire européenne, à la suite du sommet des chefs d\'Etat et de gouvernement qui s\'achève ce vendredi ?Goeorges Pauget : Les dirigeants politiques pourraient trouver plus facile de se mettre d\'accord pour imposer des contraintes aux banques plutôt que de se décider pour constituer un budget fédéral européen qui supposerait d\'harmoniser la fiscalité... La création d\'une union bancaire permettrait la déconnexion entre la dette bancaire et la dette des Etats. Ce serait une action concrète alors que le traitement global des déficits publics prendra beaucoup de temps. Ce serait un signe fort qui pourrait faire revenir les investisseurs longs sur les marchés actuellement dominés par les hedge funds. Et cela permettrait d\'anticiper les éventuelles difficultés de l\'Italie dont le système bancaire donne des signes de faiblesses : la banque Monte dei Paschi vient de demander l\'aide de l\'Etat. Sa situation est symptomatique de celle des banques moyennes italiennes. Jusqu\'à présent, à chaque évènement l\'Europe a fait un pas pour éviter le chaos. Cette fois, il faudrait un saut significatif vers davantage d\'intégration pour éviter le scénario de l\'enlisement.La Tribune : L\'enlisement reste-t-il le scénario le plus probable selon vous, ainsi que vous l\'indiquez dans votre livre « Banque le grand saut ? »* ? Georges Pauget : Il est très dur de mettre 17 pays à l\'unisson. Et depuis 2010, c\'est le scénario de l\'enlisement qui prévaut car les gouvernements prennent des décisions mais elles ne sont pas suffisantes pour mettre fin à la crise.La Tribune : Mais la dégradation de la situation du système bancaire espagnol ne plaide-t-elle pas en faveur de la création d\'une union bancaire ?Georges Pauget : La création d\'une Union bancaire aurait du sens car plus la garantie des dépôts est européenne, plus elle est déconnectée des budgets des Etats. Or il est essentiel de mettre de la distance entre les Etats et les banques. Un système bancaire au niveau européen permettrait aussi d\'amortir les chocs. Au lieu de se replier sur leur marché domestique et d\'accroître leur dépendance à la dette souveraine d\'un pays comme c\'est le cas actuellement, les banques seraient incitées à se développer sur tous les marchés ce qui amélioreraient leur résistance aux risques. Mais le plus important serait de mettre en place une supervision commune européenne.La Tribune : N\'est-ce pas déjà le rôle de l\'Autorité bancaire européenne (EBA) ?Georges Pauget : L\'EBA ne travaille que sur l\'harmonisation entre les banques. Son action n\'a pas été couronnée que de succès. En Irlande, Anglo Irish Bank a sombré juste après avoir passé les stress tests. En Espagne, la création de Bankia n\'a fait que différer les problèmes de fonds propres des différentes caisses d\'épargne qui la compose. Il faudrait donc un superviseur avec un pouvoir de sanction. La Banque centrale européenne pourrait exercer ce rôle.La Tribune : Et que penser d\'un dispositif de liquidation européen des banques qui viserait à éviter de recourir aux Etats ? Georges Pauget : Le système de garanties des dépôts et le système de résolution des crises des banques en difficulté (« bail in ») sont complémentaires. L\'idée du « bail in » est de faire payer les créanciers avant de faire appel aux Etats. Mais ce dispositif pourrait faire fuir les investisseurs de la même manière que le PSI (private sector involvement ou plan de restructuration de la dette souveraine grecque détenue par le secteur privé, NDLR) a changé le regard porté sur les obligations souveraines qui ne sont désormais plus considérées comme sans risque.La Tribune : L\'Europe pourrait-elle s\'inspirer du modèle américain pour créer son union bancaire ? Georges Pauget : Aux Etats-Unis, la coopération entre les différents organes de supervision est limitée. C\'est apparu clairement lorsqu\'il s\'est agi d\'appliquer la loi Dodd-Frank : la SEC (Securities and Exchange Commission, le gendarme de la Bourse, NDLR ) et la CFTC (Commodity Futures Trading Commission, le superviseur des marchés de produits dérivés) n\'étaient pas d\'accord. Et par ailleurs, la FDIC (Federal Deposit Insurance Corporation, fonds de garantie des dépôts) est une agence totalement autonome par rapport à la Fed. Ce manque d\'organisation entre les superviseurs a été l\'une des causes de la crise. Finalement, ce sont les banques centrales, plus que les superviseurs, qui ont augmenté leurs pouvoirs à la faveur de la crise.*Georges pauget, « Banque : le grand saut ? » édition RB/ Eyrolles, juin 2012, 245 pages.  
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