Pourquoi la presse allemande ne veut pas la publication des minutes de la BCE

L’annonce par Mario Draghi dans une interview à la Süddeutsche Zeitung qu’il soutenait l’idée d’une publication des minutes du conseil des gouverneurs de la BCE a provoqué un vent de colère outre-Rhin.Tir de barrage de la presseCertes, le président de la Bundesbank, Jens Weidmann, a affirmé se réjouir de cette initiative, mais la presse allemande ne cache pas son mécontentement. Le quotidien conservateur de l’empire Springer, Die Welt, est sans doute le plus violent. Dans un long article, il explique qu’il s’agit là d’une fort mauvaise idée qui rendrait les marchés encore plus nerveux, car plus sensibles aux moindres mots du compte-rendu du conseil des gouverneurs. Le quotidien économique Handelsblatt met également en garde contre les « effets secondaires. » Même le plus centriste Die Zeit estime qu’il s’agit là d’une « dangereuse idée. »Un piège pour la BundesbankPourquoi un tel tir de barrage ? Pour une raison simple : cette décision de transparence est perçue outre-Rhin comme un piège pour isoler la Bundesbank. On sait combien cette dernière est isolée au sein du conseil des gouverneurs, ne trouvant que ponctuellement des appuis auprès de ses homologues néerlandais, autrichien ou finlandais. En cas de publication des minutes de la BCE, cet isolement apparaîtrait au grand jour.Menace sur l’unité de la zone euro ?Le risque ne serait alors pas mince d’élargir le fossé déjà assez large entre la BCE et les Allemands. Ce serait alors donner plus de voix à ceux, aujourd’hui de plus en plus nombreux à droite de l’échiquier politique allemand, qui réclame une modification du système de voix au sein du conseil des gouverneurs, avec une pondération qui donnerait à la Bundesbank un pouvoir conforme au poids de l’Allemagne dans l’économie européenne. Comme le note le bloggeur de Die Zeit, « cette initiative est une idée admirable, mais je crains qu’elle ne nuise au final à l’Europe. »Crainte sur l’indépendanceAu-delà de cette crainte légitime, il y a une forme de nostalgie de la part des éditorialistes allemands. Le principal problème est désormais qu’ils ne reconnaissent plus la BCE comme l’héritière de la Bundesbank qui ne publiait pas non plus ses minutes afin de protéger son indépendance. En rendant publics les débats des gouverneurs, ces derniers doivent en effet mesurer la portée de leurs propos face à leur opinion publique et leur classe politique nationales. Leur indépendance ne serait plus assurée.Divorce entre l’Allemagne et la BCELa clé de cette colère est sans doute donnée par l’article de Die Welt qui entame sa démonstration par cette description : « depuis que Mario Draghi est entré en fonction en novembre 2011, l’institution – qui jadis avait été conçue sur le modèle de la BCE – est sens dessus dessous. » Derrière cette polémique se cache donc une certaine forme de ressentiment vis-à-vis de la nouvelle BCE dessinée par l’Italien, celle de l’OMT, du « forward guidance » et maintenant de la publication des minutes. Le divorce entre l’Allemagne et la BCE, conséquence finale de la crise européenne, devient chaque jour plus flagrant.  
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