Diane 35 : pourquoi la Commission européenne n'a pas désavoué la France

La Commission européenne a tranché mardi: Diane 35, médicament anti-acné largement utilisé comme contraceptif, pourra être commercialisé en France, le rapport entre risques et bénéfices étant favorable. Une décision qui, en apparence, s\'oppose avec celle de l\'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) qui, en janvier, avait suspendu l\'autorisation de mise sur le marché (AMM) de la pilule, tout en accordant aux patientes un délai de trois mois pour éviter une brusque interruption de la contraception.Pourtant, «ce qui s\'est passé est parfaitement normal», explique Anne Laude, professeur à l\'Université Paris Decartes et cofondatrice de l\'Institut droit et santé: «L\'ANSM et la Commission ont respecté une procédure prévue par les textes et acceptée par la France». Dès lors qu\'un Etat membre veut remettre en cause une AMM dans un cas présentant un intérêt pour l\'Union européenne (UE), il doit en effet demander un arbitrage de la Commission. Seulement en cas d\'urgence, dans l\'attente de la décision européenne, l\'autorité nationale pourra procéder à une suspension. Ce qu\'a justement fait l\'ANSM, sans préjuger d\'un éventuel point de vue différent de Bruxelles.«La saisine de l\'Union était inévitable, Diane 35 étant largement commercialisée dans toute l\'Europe», considère Marie Albertini, avocate associée au cabinet Reed Smith et spécialiste du contentieux en matière pharmaceutique. L\'harmonisation par l\'UE des règles relatives aux médicaments répond à une logique de nivellement par le haut. Elle est confiée à l\'Agence européenne du médicament (EMA) et désormais régie par un Code communautaire des médicaments à usage humain, consolidant des directives précédentes et constamment actualisé. La législation française est largement issue de la transposition de ces règles européennes.Pas de surprise, ni de désaveuLa décision de la Commission européenne n\'est d\'ailleurs pas surprenante, l\'EMA ayant déjà conclu le 17 mai que «le rapport bénéfice/risque de Diane 35 et de ses génériques est positif, à condition que certaines mesures soient prises». «Les procès verbaux des réunions du Comité pour l\'évaluation des risques, auxquelles participent aussi des représentants des patients, sont publiques et transparentes», signale en plus Marie Albertini.L\'UE n\'aurait pas non plus désavoué l\'ANSM. «L\'examen européen, fondé sur les contributions d\'experts de nationalités différentes, qui font remonter les effets indésirables constatés dans l\'ensemble de l\'UE, est plus large que celui national», observe Anne Laude. «L\'autorité française avait d\'ailleurs souligné que sa décision de suspension faisait suite à un normal réexamen de l\'AMM de Diane 35, qui datait de 1987», ajoute Marie Albertini. Même si d\'autres facteurs ont sans doute pesé, comme l\'absence d\'AMM du médicament en tant que contraceptif, les plaintes déposées par des femmes victimes de thrombo-embolies contre les laboratoires producteurs de pilules de troisième et quatrième génération ainsi que le tout récent traumatisme du Médiator. L\'autorité avait en outre reconnu quatre décès imputables à Diane 35 depuis 1987.Commercialisable, mais sous conditionsLes inquiétudes françaises ont d\'ailleurs été prises en compte, la Commission ayant assorti sa décision d\'importantes restrictions. Diane 35 ne pourra être utilisée que contre l\'acné, et après l\'échec d\'autres traitements. Les notices d\'utilisation seront revues afin que les patients soient mieux informés des effets secondaires et des contre-indications. Les titulaires des AMM devront présenter, dans un délai de trois mois, un plan complet de gestion des risques.«L\'ANSM a la possibilité d\'imposer ultérieurement des restrictions pour des raisons de santé publique», ajoute Marie Albertini. De surcroît, depuis la loi Bertrand, adoptée en décembre 2011 afin de répondre à la crise de confiance ayant suivi le scandale du Médiator (lui aussi utilisé en-dehors de son ANM, comme coupe-faim), les prescriptions hors AMM sont beaucoup plus strictement encadrées: le médicament devrait donc être réservé à son cadre dermatologique d\'origine.Bayer Santé, qui commercialise le médicament, ayant annoncé qu\'il «va travailler en étroite collaboration avec l\'ANSM pour réintroduire Diane 35 sur le marché français dans les conditions requises», le risque d\'un contentieux devant l\'UE semble exclu. Celui en cours devant les autorités judiciaires, en revanche, continuera de suivre sa voie séparée. La décision de la Commission pourra être revue seulement en présence de nouvelles données sanitaires.
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