Qu'il est difficile d'agir dans un univers aussi incertain

Il n'y a jamais d'action sans réflexion. C'est la raison pour laquelle il est impératif de tenter de lever deux doutes qui rongent la réflexion des économistes et des politiques. Le premier c'est bien évidemment, au-delà des déclarations des uns et des autres, la question de la reprise de la croissance à partir de la mi-2010. Personne, bien entendu, ne remet en cause le fait que les politiques économiques très actives menées dans le monde occidental depuis un an, politiques monétaires et politiques budgétaires, ainsi que l?impact de l'arrêt du déstockage, permettent une stabilisation et même une légère amélioration de la situation pour les mois à venir?; vraisemblablement, jusqu'au premier semestre 2010.Et après?? Aucun économiste sérieux ne peut s'engager sur le caractère auto-entretenu de la reprise de l'activité. Et les débats interminables sur la croissance en V, W ou L ne sont que des artifices pour dissimuler les interrogations que nous avons tous les uns et les autres. Dans les faits, une course contre la montre s'est engagée entre les effets récessifs du chômage qui ne s'arrête guère et la capacité de croissance liée à la fois au monde émergent et aux nouveaux besoins liés au développement durable. Quant au second doute, plus fort encore que le premier, il porte sur la capacité du monde, surtout celui de la finance, à se réformer et à trouver les moyens appropriés pour y arriver.C'est ce double défi que relève Jean-Michel Quatrepoint, avec audace et originalité. Pour cela, de la même manière qu'il avait fondé son analyse de la crise mondiale sur des perspectives géostratégiques, il va s'interroger sur notre avenir à partir d'une description détaillée des stratégies des groupes d'intérêt ou, plus exactement, des lobbies à la manière de Mancur Olson. Le premier d'entre eux est évidemment le financier, et ses capacités d'influer et d'agir joueront, plus que tout, sur la nouvelle organisation de l'économie mondiale.C'est en cela que la relecture complète des dix-huit derniers mois que Jean-Michel Quatrepoint nous invite à faire avec lui, en observant les conflits d'intérêts entre acteurs financiers, est si importante. Le véritable enjeu de cette quête conduit à comprendre à quel point la nouvelle politique américaine incarnée par Barack Obama peut se trouver aujourd'hui contrebattue par le pouvoir de Wall Street. Encore une histoire de la crise, me direz-vous?! Et bien, non?! C'est, d'abord et avant tout, pour les mois à venir que ces conflits joueront, car on le voit dès aujourd'hui, que ce soit les bonus, les fonds propres des banques, les formes de régulation financière, tout oppose aujourd'hui une certaine bonne volonté politique européenne continentale et la réalité du pouvoir politique américain.Nous sommes, nous le comprenons alors, confrontés à une double difficulté, visible au G20 de Pittsburgh. La première, la focalisation excessive des propositions sur les problèmes des rémunérations des traders, dissimule un tout autre enjeu?: celui du rôle de la finance dans la reprise et le fait qu'actuellement, le système bancaire traditionnel ne peut réellement soutenir nos systèmes économiques très fragilisés. Et puis, surtout, il y a l'ampleur des réformes à mener. Il y a un an, nous avions beaucoup de bonne volonté. Le G20 a été lancé avec enthousiasme, mais les résultats un peu plus favorables de l'économie mondiale amènent les uns et les autres à ne pas vouloir procéder aux réformes qu'on envisageait il y a peu de temps encore. Là également, l'Europe continentale se distingue des États-Unis. Mais trouvera-t-elle les ressources et l'énergie pour aller plus loin que de simples déclarations, d'autant plus qu'elle a elle-même ses propres « Wall Street »?? C'est là toute la nouveauté de l'approche de Jean-Michel Quatrepoint?: rappeler que l'incertitude entraîne souvent l'impuissance et que, si nous ne réagissons pas, nous serons condamnés, à court terme, à une crise beaucoup plus profonde que nous l'imaginons et à un affaiblissement majeur des pays de l'OCDE dans l'économie mondiale.JEAN-HERVé LORENZI, Professeur à l'université Paris Dauphine, président du Cercle des économistes.« La Dernière Bulle », Jean-Michel Quatrepoint, Mille et Une Nuits, 248 pages, 16,90 euros.
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