Kenneth Lewis quitte Bank of America en pleine tempête judiciaire

Cette décision m'appartient et n'appartient qu'à moi. » Au terme d'une année tumultueuse où il aura été tour à tour considéré comme un héros pour avoir évité la faillite de Merrill Lynch, puis vilipendé pour avoir caché les termes de ce rachat à ses actionnaires, Kenneth Lewis, de guerre lasse, quittera son poste de directeur général de Bank of America (Bofa) à la fin 2009. Dans une lettre à ses collaborateurs, Lewis, quarante ans de maison dont plus de huit passés à la tête du groupe, a justifié son départ en expliquant que « les intégrations de Merrill Lynch et Countrywide [l'établissement de crédit hypothécaire acquis en 2008, Ndlr] étaient sur les rails et déjà rentables ».« Nous sommes en position de rembourser » les fonds publics accordés dans le cadre du plan de sauvetage financier (Tarp), a par ailleurs assuré Lewis. De fait, « le moment était venu de commencer la transition vers la prochaine génération de dirigeants ». Kenneth Lewis quittera aussi le conseil d'administration dont il a perdu la présidence en avril. Âgé de 62 ans, le responsable s'était initialement engagé à quitter Bofa à 65 ans et une fois que les fonds du Tarp auraient été remboursés. Mais la pression d'actions en justice intentées contre lui et Bofa rendait sa position difficilement tenable.« visionnaire et tacticien »Voilà deux semaines, un magistrat, le juge Rakoff, a rejeté l'accord conclu entre la banque de Charlotte, Caroline du Nord, et le gendarme boursier (SEC) au sujet des 5,8 milliards de bonus versés par Merrill Lynch après son rachat avec l'aval de Bofa. Cet accord prévoyait que Bofa s'acquitte d'une amende de 33 millions de dollars pour mettre fin aux enquêtes de la SEC. Mais Rakoff l'a qualifié de « montage » car, à la fin 2008, Bofa a dissimulé la perte de 15,8 milliards de dollars qu'a accusée Merrill Lynch au quatrième trimestre. Il s'agit aussi pour le juge de défendre l'honneur des contribuables américains, la banque ayant perçu 45 milliards de dollars d'aide publique, dont 20 milliards pour absorber Merrill Lynch. De son côté, le procureur général de New York, Andrew Cuomo, qui enquête aussi sur les conditions de ce rachat, a prévenu que « la décision de Kenneth Lewis n'aurait pas d'impact sur ses investigations ».Bien que des actionnaires réclamaient la tête de Lewis car le titre Bofa a chuté d'un tiers sous sa présidence et que la banque a été contrainte de ramener son dividende trimestriel de 64 à 1 cent en 2008, le responsable n'avait pas que des détracteurs. Le « Wall Street Journal » a rappelé hier que c'est sous la pression de l'ancien secrétaire au Trésor, Henry Paulson, que Bofa a repris Merrill Lynch, un « deal » dont Lewis aurait voulu s'extirper quand il a pris connaissance des comptes de la banque. Analyste vedette de Roschdale Securities, Richard Bove estime que l'histoire retiendra « le génie de Lewis en tant que visionnaire et tacticien ». Depuis 2001, le responsable a mené pour plus de 130 milliards d'acquisitions (FleetBoston, LaSalle?) et les analystes se sont félicités du fait que Merrill Lynch ait contribué à 24 % du résultat net de Bofa au premier semestre. Le patron de la banque de détail, Brian Moynihan, et la présidente de la gestion de fortune, Sallie Krawcheck, figurent parmi les favoris pour succéder à Lewis. Son remplaçant aura la lourde charge de sortir Bofa de la tutelle fédérale et de dénouer ses problèmes judiciaires. Les analystes estiment néanmoins qu'il héritera d'une formidable machine à cash : selon le consensus Bloomberg, Bofa devrait dégager un bénéfice de 7,4 milliards de dollars cette année qui bondira à 23 milliards en 2011.
Commentaire 0

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

Il n'y a actuellement aucun commentaire concernant cet article.
Soyez le premier à donner votre avis !

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.