« Nous avons choisi de ne

En 2008, Nestlé n'a pas trop souffert de la crise. Les résultats 2009 s'annoncent plus difficiles, non ?L'année passée était très bonne, meilleure que pour nos concurrents. Cette année, nous continuons à croître. Nous avions annoncé que nous progresserions plus vite au second semestre qu'au premier, et c'est ce que nous faisons. Nous avons intensifié nos investissements à la fois publipromotionnels et en recherche et développement. Nous venons d'ouvrir un centre de recherche sur le chocolat à Broc, de poser la première pierre d'un autre sur les céréales à Orbe et d'ouvrir une usine flambant neuve de produits aseptiques à Anderson, aux États-Unis.Votre croissance sur neuf mois est bien moins le fait des hausses de prix que les années précédentes ?Ces dernières années, la hausse du coût des matières premières se reflétait en partie dans les prix. En 2008, nous avons eu une bonne croissance des volumes et des prix. Du coup, la base de comparaison est très forte en 2009, alors que la nécessité d'augmenter les prix n'est plus là, puisque ceux des matières premières ont fléchi. La croissance se fait donc plus par les volumes, ce qui est très intéressant si c'est un choix. Nous intensifions notre développement de produits à positionnement populaire depuis le début de la crise. Ils étaient destinés aux pays émergents, mais leur business model est dupliqué aujourd'hui dans les pays matures.Dans les pays développés, l'eau minérale [10 % du chiffre d'affaires de Nestlé] est délaissée. Songez-vous à céder ce business ?Nous ne sommes pas du genre à modifier notre stratégie à chaque vent contraire. L'eau est la meilleure boisson pour l'être humain. Certes, nous sommes touchés, car nous sommes forts là où la crise a été la plus virulente, soit aux États-Unis et en Europe de l'Ouest, qui pèsent pour plus de 80 % de nos ventes. Ces pays nous ont apporté beaucoup de croissance par le passé. Demain, les pays émergents gagneront en importance. Mais l'eau a aussi un avenir dans les pays matures, car elle a un goût que les consommateurs apprécient. Nous allons nous concentrer sur la mise en avant du goût de nos marques et de leurs bienfaits pour la santé. Un vrai retour aux sources !Vous êtes très présent sur le hors- domicile, qui a lui aussi beaucoup souffert.Nous y réalisons un chiffre d'affaires de 6 à 7 milliards de francs suisses [entre 4 et 4,6 milliards d'euros]. Mais nous jouons dans un paysage de 500 milliards de francs, le potentiel est donc énorme. Cette année, nous avons créé une division à part, car nous n'avancions pas avec la vitesse nécessaire. Au lieu de faire du business pays par pays, nous pouvons mieux piloter la stratégie et son exécution, d'autant plus que nombre de nos clients sont, eux aussi, des acteurs internationaux. Nous allons nous développer autour de quelques axes forts : les boissons via les distributeurs automatiques ou encore les produits culinaires sur mesure pour la restauration.La santé est un de vos axes majeurs, pourtant vous gardez dans votre portefeuille des marques comme Herta, que le consommateur n'associe pas du tout à la santé ?Mais Herta est un produit de santé ! Nous voulons être une entreprise qui apporte la santé et le bien-être. Si les gens veulent manger de la charcuterie, c'est important que Nestlé puisse leur apporter des petites saucisses équilibrées. Nous travaillons sur les informations nutritionnelles, les proportions, nous développons des programmes d'éducation dans plus de 50 pays. Prenez par exemple notre chocolat Aero, avec des bulles d'air pour une plus grande sensation de plaisir avec moins de calories. Sur Nesquik, nous avons fait un gros travail de réduction des sucres. Sur les crèmes glacées, nous avons mis au point une nouvelle technologie, qui permet d'obtenir la même texture avec un tiers de calories en moins et moitié moins de graisses. Mais nous n'avons peut-être pas encore assez associé ces initiatives à Nestlé.Pensez-vous que la crise a durablement modifié les comportements des consommateurs ?La crise a exacerbé des tendances. Les marques de distributeurs ont progressé, car c'était la meilleure réaction à court terme pour les distributeurs. Nous avons choisi de ne pas entrer sur ce champ de bataille des prix. Même si nos volumes ont pu être égratignés sur le court terme, je pense que cette stratégie paiera. La crise a aussi révélé la puissance des pays émergents. L'Europe prend désormais réellement conscience de sa relativité géographique.Comment vous positionnez-vous sur ces marchés émergents ?Nous y réalisons un tiers de notre chiffre d'affaires, en croissance de 7 %, et devrions atteindre les 40 % à 45 % dans dix ans. Notre présence dans ces pays est très ancienne : plus de quatre-vingt-cinq ans au Brésil, plus de cent ans en Chine. Nous avons des structures propres dans 140 pays et la moitié de nos 456 usines y sont implantées. Les habitants veulent désormais des produits meilleurs pour leurs enfants. Ça tombe bien, nous sommes déjà sur place. Mais rien n'est perdu non plus dans les pays matures. Il suffit de changer de tactique pour s'adapter aux nouvelles attentes. Nous commençons par exemple seulement à explorer le potentiel de croissance de Nespresso. On dit parfois : « Il n'y a pas de marché mûr, il n'y a que des manageurs mûrs. » Regardez Kit-Kat. Cette marque a 70 ans et a encore une progression à deux chiffres cette année en Europe.Tous vos concurrents ne parlent que de marques milliardaires, alors que vous avez encore beaucoup de marques locales. Pourquoi ?Aucun d'eux n'a autant de marques milliardaires que Nestlé. Trente de nos marques représentent les trois quarts de notre business, ce qui prouve que nos efforts sont tout de même bien concentrés. Nous gardons aussi nos marques locales, car nous sommes très décentralisés et nous n'allons pas faire disparaître les produits préférés de nos consommateurs ! Des marques de chocolat comme Garoto au Brésil ou Sahne-Nuss au Chili sont des hit locaux. Essayez donc aussi d'enlever le chocolat Orion aux Tchèques et vous les verrez descendre dans la rue ! D'ailleurs, on en crée même de nouvelles. Munch est ainsi la deuxième marque de chocolat en Inde et nous l'avons lancée il y a moins de dix ans.Êtes-vous satisfait de vos ventes en France et vos soucis sociaux sont-ils derrière vous ?Nous sommes en croissance en France, ce qui est déjà remarquable. Nous y avons gagné des parts de marché dans l'eau, en particulier ces derniers mois après avoir relancé la communication, derrière Vittel notamment. Herta se porte très bien. Maintenant, nous gérons nos intérêts au mieux avec nos usines. Bien sûr, il y a toujours quelques tensions et discussions mais sans cela, ça ne serait pas la France.Où en êtes-vous en termes de réduction des coûts ?Nous allons économiser environ 1 milliard de francs suisses cette année. Depuis un an, j'ai mis en place dans la structure même de l'entreprise la conscientisation permanente des coûts. Un programme inspiré du « lean thinking », cher à Toyota, qui conjugue amélioration continue, guerre au gaspillage et responsabilisation de chaque salarié à son niveau. Nous passons ainsi du paquebot à une flotte de bateaux agiles.À quoi seront destinés les 27 milliards de francs suisses que vous pourriez retirer de la vente de votre participation dans Alcon ?Je ne peux pas faire de commentaire, car je ne les ai pas. Pour le moment, vu la qualité de notre performance, nous accélérons le programme de rachat d'actions, en passant de 4 milliards annoncés au début de l'année à 7 milliards.Ne serait-il pas plus judicieux d'utiliser votre argent pour faire des acquisitions, Cadbury par exemple ?Pas de commentaire sur Cadbury. De manière générale, nous prévoyons une somme de 2 à 3 milliards pour des acquisitions mais elles doivent faire sens. Beaucoup ont dit que la crise était le moment propice pour faire des emplettes, mais la plupart des cibles ont préféré tenir le coup plutôt que de se brader. C'est vrai que la situation commence à s'inverser. Mais notre première responsabilité reste de faire fructifier l'existant.
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