La diversité, source de performance

Dans une Europe en crise, la résurgence des mouvements « néopopulistes » manifeste le sentiment d'un divorce entre le peuple et les élites, la méfiance à l'égard de l'étranger et l'inquiétude face aux conséquences économiques et morales de la mondialisation. Dans ce contexte, la construction d'un sens collectif redevient un élément clé de la cohésion sociale, là où, à l'évidence, la loi du marché et la libre expression des ambitions individuelles échouent à « faire société ».En quoi la promotion de la diversité s'insère-t-elle dans ce projet ? Une société démocratique ne peut survivre que si elle propose des perspectives de mobilité fondées sur des processus justes et équitables. À défaut, les inégalités s'accroissent et, avec elles, le déterminisme social. Or l'assignation des individus à des places et des statuts qui ne sont pas fonction de leur mérite ou de leurs compétences mais de leurs origines crée des tensions centripètes. Le corps social se disloque entre des « inclus », formant l'élite économique et culturelle, et des « exclus », condamnés à un destin périphérique. La promotion de la diversité, qui tend à favoriser la mobilité ascendante des seconds, constitue alors un instrument indispensable de fluidification de l'espace social et d'atténuation des mécanismes spontanés de discrimination négative. Car en dépit de la mise en place, au cours de la dernière décennie, d'un arsenal juridique incitatif et coercitif en matière de lutte contre les discriminations, les réflexes naturels, lorsqu'il s'agit de répartir travail, richesse ou privilèges, demeurent extrêmement conservateurs.La manière dont la question de la diversité se pose aux entreprises est différente dans son principe, mais identique dans ses conséquences. Différente, parce que la promotion de la diversité (entendue ici au sens socio-ethnique) constitue pour les sociétés une injonction de nature morale, dictée par un idéal de justice sociale, là où, pour les entreprises, elle relève davantage de la rationalité économique. Identique, parce que la cohésion et la mobilisation autour d'un projet collectif sont des leviers de progrès dans les entreprises comme dans les sociétés.Il est important de continuer à enrichir la réflexion sur le lien entre diversité et performance. Ce n'est pas pour « refléter la société » que les entreprises ont intérêt à promouvoir la diversité, mais pour défendre leurs intérêts économiques et leur capital immatériel... La diversité, comme le résumait Lew Platt, ancien président de Hewlett-Packard, c'est une solution à la pénurie de talents, une réponse aux attentes des clients et des parties prenantes, et une meilleure capacité à créer et à produire. De nombreux travaux académiques américains corroborent cette intuition (The Effects of Diversity on Business Performance, Report of the Diversity Research Network, MIT, octobre 2002 ; Diversity, Representation & Performance : Evidence about Race & Ethnicity in Public Organizations, Georgia University, octobre 2003,...). C'est sans doute pourquoi les entreprises ont été aux avant-postes en matière de promotion de la diversité. En France, 3.000 entreprises ont signé la Charte de la diversité depuis 2004. Le label diversité, créé en 2008, qui certifie les progrès accomplis par les entreprises en matière de promotion de la diversité et de lutte contre les discriminations a été attribué à plus de 220 entreprises, couvrant près de 600.000 salariés. Cela va dans le bon sens, mais les progrès sont lents, et les résultats encore peu visibles à l'oeil nu... Or à l'heure où la mondialisation met en concurrence les acteurs et les modèles économiques, la compétitivité des entreprises dépend de plus en plus de leur capacité à attirer des profils diversifiés, à créer des synergies dans des équipes multiculturelles et à développer une vision stratégique tenant compte de l'émergence de nouveaux marchés.Ces enjeux sont au coeur du Forum européen de la diversité organisé aujourd'hui par le Club XXIe Siècle en partenariat avec Suez Environnement et l'AFMD (*). Objectivation des méthodes de recrutement, formation, renforcement des incitations et des démarches de labellisation, place de la diversité dans les négociations collectives : l'objectif est de chercher des solutions concrètes s'inspirant de la recherche théorique et des bonnes pratiques européennes et de faire progresser l'intelligence collective autour de la diversité.(*) Association française des managers de la diversité (www.afmd.fr), créée à l'initiative du Club XXIe Sièclepar Fleur Pellerin Présidente Club XXIe Siècle
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