La Chine oblige les marques de luxe à revoir leur modèle

Dunhill, Valentino et Burberry sont plus connus des consommateurs chinois que Gucci, Dior ou même Louis Vuitton ! Cet écart de notoriété entre la Chine et le reste du monde est une des surprises de l'étude du Boston Consulting Group présentée, ce jeudi, à l'Association des professionnels du luxe. « Les consommateurs de luxe en Chine, très masculins, sont encore peu éduqués et le top 5 dans dix ans ne ressemblera pas à celui d'aujourd'hui », prédit Jean-Marc Bellaïche, partner en charge du luxe chez BCG. Selon lui, l'ex-empire du Milieu regorge d'opportunités mais présente aussi de sérieux défis. Côté opportunités, le produit national brut (PNB), à peine entamé par la crise, et l'enrichissement rapide des élites vont continuer à faire exploser les ventes de montres, sacs et bijoux dans les années à venir. Rien qu'entre 2010 et 2011, elles progresseront de 23 %. Et dès 2012, la Chine dépassera les États-Unis et l'Europe comme premier marché du luxe au monde. « En 2020, 330 villes chinoises disposeront d'un revenu moyen par habitant supérieur à celui de Shanghai en 2008 », continue Jean-Marc Bellaïche. De quoi rêver. Mais la croissance ne vient pas toujours de là où on l'attend. À côté des produits de luxe traditionnels, un luxe plus immatériel (Spa, grands restaurants, haute technologie) croît encore plus vite (de 46 % entre 2010 et 2011). Au sein de celui-ci, les voyages, de plus en plus autorisés par le gouvernement, entraînent un éparpillement des consommateurs chinois. Hong Kong, Singapour mais aussi Dubaï ou Paris, ils sont 54 millions à s'y rendre cette année, le double en 2020. Si bien que les achats de luxe chinois ne s'effectuent déjà plus qu'à 42 % en Chine intérieure. « Il est difficile de trouver des vendeuses parlant chinois en Europe », nous confiait récemment le PDG de Louis Vuitton, Yves Carcelle.Une clientèle masculineAutre défi pour les maisons de luxe, le consommateur chinois est en pleine mutation. Celui d'aujourd'hui n'a rien à voir avec un Français ou un Japonais. Plus masculin donc, mais surtout plus jeune car 80 % des millionnaires ont moins de 43 ans (l'inverse en France), il cherche aussi des marques bien visibles et chères, symboles de statut social dans un monde encore totalement homogène trente ans auparavant. Pourtant, la féminisation et la sophistication sont en marche. Du coup, les ventes de sacs et autres accessoires rattrapent les joujoux horlogers masculins et un luxe plus discret trouve preneur. Aussi, les renseignements et les achats par Internet explosent. Selon l'étude du BCG, 759 millions d'utilisateurs seront connectés trois heures par jour en 2015, contre 238 millions d'Américains pendant 2 h 27. À l'instar d'Emporio Armani, qui vient d'ouvrir son site de vente en ligne dans le pays, les marques vont donc devoir s'adapter. D'autant que la croissance viendra cette année à plus de 80 % de nouveaux consommateurs. Pour les marques, le rythme d'ouverture de boutiques est déjà difficile à trouver. « Si elles arrivent trop tôt, les magasins sont vides, trop tard, ils coûtent trop chers », résume Jean-Marc Bellaïche. « J'aurais pu en ouvrir 15 par an, mais me suis limité à sept et je souhaite atteindre 70 boutiques d'ici à 2016 », confie à « La Tribune » le PDG de Cartier, Bernard Fornas. Maintenant que la Chine constitue l'une de leurs principales ressources, toutes les marques, de Coach à Cartier en passant par Burberry, tentent de reprendre le contrôle d'une distribution initialement confiée à des agents ou distributeurs locaux (lire ci-contre). « Mais attention à l'agent mécontent s'il est proche du gouvernement ou s'il demande le boycott de la marque aux centres commerciaux de sa zone », prévient Jean-Marc Bellaïche. Le plus grand risque est encore de succomber au mirage chinois en y consacrant tous ses investissements. D'autres consommateurs restent à éduquer au luxe, à commencer par les Américains, en retard de consommation de près de 50 milliards d'euros par rapport à l'Europe.
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