Les ambitions spatiales allemandes inquiètent en France

C'est un document qui met les nerfs de toute la communauté industrielle spatiale française à fleur de peau. Car le livre blanc allemand sur la stratégie spatiale met Paris au pied du mur. Ce n'est ni plus ni moins le futur leadership de l'Europe qui va se jouer dans les prochaines années entre la France et l'Allemagne dans l'espace. « Leurs très grandes ambitions dans l'espace ne sont pas européennes, elles sont avant tout allemandes, analyse un patron du secteur. Nous n'avons pas un document stratégique équivalent en France. » La ministre en charge de l'espace, Valérie Pécresse, y réfléchit d'ailleurs... même si aujourd'hui il existe le contrat État-Cnes 2011-2015.« Il ne faut pas prendre plus de retard, Paris doit se remuer mais nous avons le sentiment qu'elle se soucie moins de son industrie que Berlin », estime un industriel du secteur. Pourtant, la menace est écrite noir sur blanc dans le livre blanc : « L'Allemagne souhaite consolider sa position de concurrent sur les marchés commerciaux (...) de même que sur les autres marchés à l'exportation. Dans tous les cas, il s'agira de trouver le bon équilibre entre la coopération et la concurrence tout en gardant à l'esprit l'idée qu'un secteur aérospatial stratégique sert les intérêts des sites de production nationaux. Il sera donc nécessaire d'acquérir un savoir-faire national propre. » Ce qui fait dire à cet industriel que ce document a été en grande partie « piloté par l'industrie allemande ».Le maître mot du livre blanc est en effet très clair : renforcer le secteur aérospatial allemand dans les domaines de la recherche, de la technologie et des applications grâce au programme spatial national et à la pratique du juste retour géographique de l'Agence spatiale européenne (ESA). Ce qui « lui permettra d'acquérir un savoir-faire et des technologies clés dans des secteurs commercialement porteurs et dans les domaines d'importance stratégique ». Et d'asséner qu'une « industrie performante, compétitive au niveau internationale ainsi qu'une recherche d'excellence constituent la condition préalable pour faire valoir les intérêts allemands au sein des alliances internationales - comme par exemple, au sein de l'ESA - mais également dans un contexte de concurrence accrue au sein du marché commun ».Accent commercialClairement l'Allemagne, qui a changé sa stratégie en mettant l'accent sur le marché commercial et non plus sur le seul volet scientifique, marche sur les positions françaises. Y compris dans les lanceurs où elle veut jouer un « rôle important », assure un autre industriel. À terme, ce sera « une perte de chiffre d'affaires » pour les industriels français. Du côté institutionnel, Paris, qui mise sur la coopération franco- allemande dans le spatial, tente de minimiser la portée de ce document. D'autant qu'une déclaration commune doit être signée très prochainement - les ministres devant accorder leur agenda. Tout en rappelant le niveau de budget spatial français bien supérieur à celui d'outre-Rhin, on se réjouit de la montée en puissance financière de l'Allemagne. « On ne pourra pas nier le rôle et la puissance de l'Allemagne mais il faut le prendre en compte et s'adapter », conclut un industriel. Michel cabirol
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