La longue agonie du Grenelle de l'environnement

Ce fut l'une des forces du Grenelle de l'environnement. Pendant plusieurs semaines entre juin et septembre 2007, Etat, patronat, syndicats, ONG écologistes et réprésentants des collectivités locales se sont parlés, écoutés et sont parvenus à des compromis sur 273 mesures. " La magie du Grenelle " avait parfaitement fonctionné. Une indéniable réussite politique exploitée à la moindre occasion par Nicolas Sarkozy et son ministre du développement durable Jean-Louis Borloo. Deux ans et demi après le Grenelle, la magie n'opère plus. Une table ronde qui réunirait aujourd'hui les mêmes partenaires qu'hier tournerait vite à la foire d'empoigne.Le Medef très en retraitComment imaginer aujourd'hui les écolos parlant à la FNSEA ? Selon le baromètre trimestriel de conjoncture réalisé par l'Ifop pour la fédération nationale des exploitants agricoles les deux tiers des agriculteurs jugent " trop contraignantes " les réglementations environnementales. Très remonté contre la taxe carbone qu'il n'avait pourtant pas critiquée ouvertement lors de sa présentation par le gouvernement, le président de la FNSEA Jean-Michel Lemétayer a clos son congrès annuel vendredi en déclarant la guerre au Grenelle: " si le développement durable rime avec décroissance et désertification des campagnes, je vous le dit tout net, Grenelle ou pas Grenelle, le débat se fera sans la FNSEA ! ". L'ambiance n'est pas meilleure du côté du Medef. Explicitement accusée par la secrétaire d'Etat à l'écologie Chantal Jouanno, d'avoir " planté la taxe carbone " , l'organisation patronale ne supporte plus le Grenelle que du bout des lèvres, elle qui fut l'un de ses acteurs privilégié. Officiellement, la présidente du Medef Laurence Parisot ne l'a jamais dénoncé. En coulisses, son organisation a fait, et continue de faire, un travail de sape contre toutes mesures qui bénéficieraient plus à l'environnement qu'à la rentabilité des entreprises.Les écolos divisésLes collectivités locales sont elles aussi très remontées. Pour des raisons très politiques pour ne pas dire politiciennes. La victoire de la gauche aux élections régionales a en effet fait ressurgir des oppositions sur les sujets écologiques que le Grenelle, grâce à sa dynamique, avait apaisés. Du coup les majorités locales sont bien moins enclines qu'auparavant à rechercher le consensus avec le gouvernement. Et considèrent qu'une relance du Grenelle serait un trop beau cadeau politique fait à Nicolas Sarkozy. Même entre-elles, les ONG écologistes divergent. France nature environnement (FNE) est la seule qui refuse la mort du Grenelle et réclame une relance du dialogue environnemental. Après trois ans de participation aux groupes de travail du gouvernement dont celui du Comité de suivi du Grenelle, la fondation Hulot vient d'en claquer la porte. " L'écologie est devenue un simple ingrédient de la tambouille électorale ", déplore Nicolas Hulot dans un entretien pubié vendredi par le quotidien Le Parisien. Greenpeace, troisième ONG importante du Grenelle, a commencé à boycotter les ateliers de suivi depuis longtemps.Mort politiqueLes députés entameront dès le 4 mai les débats sur la loi dite Grenelle 2, texte qui mettra en musique les objectifs définis par la loi Grenelle 1. Cette perspective permet à Jean-Louis Borloo et Chantal Jouanno d'affirmer que le Grenelle n'est pas mort. S'ils ont formellement raison, les deux ministres ont politiquement tort. Car non seulement les partenaires du Grenelle ne se parlent plus et s'invectivent désormais par médias ou congrès interposés. Mais de surcroit, rien ne dit que la majorité UMP votera sans broncher, le projet de loi du gouvernement. Déjà, plusieurs amendements ont été votés en commission, mettant un coup de frein brutal au développement de l'éolien. Le Grenelle n'est peut-être pas mort dans les textes. Il l'est certainement politiquement.
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