Agences de notation  :  faites-les taire  !

La Grèce a un vrai problème de déficit et de dette. Le Portugal, l'Irlande et l'Espagne ont un problème de déficit et de dette. La France aussi. L'Europe dans son ensemble. L'Angleterre. Les États-Unis. Et même la Chine. Mais cette semaine, une fois de plus, les agences de notation ont fait preuve d'incompétence et joué, une fois de plus, le rôle de pompiers pyromanes.Coïncidence de calendrier, les agences de notation ont fait parler d'elles à deux occasions la même semaine. À la une de l'actualité pour avoir provoqué une débâcle boursière après avoir dégradé les dettes grecque au statut de « junk bond » (« obligation pourrie ») et portugaise, elles comparaissaient la même semaine devant le Sénat américain pour répondre aux accusations sur leur responsabilité dans la crise des subprimes. Elles n'ont pu qu'admettre leurs erreurs et même leurs fautes. Donner un jour, à la demande d'une banque d'affaires arrangeur d'un produit de titrisation « exotique » la meilleure notation possible, le triple A, pour, huit mois plus tard, une fois que le produit ne vaut plus rien, le dégrader directement à « junk bond » a amené la commission d'enquête à s'interroger... Les sénateurs leur ont demandé s'il était normal qu'elles soient payées pour noter « indépendamment » des produits par les banques qui commercialisent les produits... Un silence gêné fut leur seule réponse... Après la crise financière de 2008, les agences de notation avaient été pointées du doigt et les grands de ce monde avaient promis une réforme de leur statut pour éviter les conflits d'intérêts. Résultat ? Il ne s'est rien passé. Mais, ce qui est pire, elles continuent à fonctionner comme avant. Elles reproduisent aujourd'hui avec les États les mêmes erreurs qu'elles ont faites avec les subprimes et les banques : aveuglement avant l'apparition d'un problème, puis amplification de la crise après. Car les problèmes de la Grèce ne datent pas d'hier. Ni de cette semaine. La Grèce ne méritait pas plus sa notation avant la crise que les packages de subprimes ne méritaient un triple A. Idem pour le Portugal. Du coup, on ne peut s'empêcher de se poser une ou plutôt plusieurs questions : et si les autres pays qui bénéficient de la notation suprême, le triple A, ne la méritaient pas ? Pourquoi ne pas dégrader la dette du Royaume-Uni et des États-Unis ? Pourquoi s'acharner à tirer sur une ambulance grecque quand on laisse passer le cortège américain sans même le contrôler ? Y aurait-il conflit d'intérêts ? Les agences de notation peuvent-elles, pour leur business, prendre le risque de se mettre à dos les États-Unis et l'Angleterre, berceaux des deux principales places financières mondiales ? Vont-elles attendre que les marchés s'attaquent violemment à la dette américaine pour reconnaître que les États-Unis ne peuvent pas, dans l'état actuel des perspectives économiques, garantir à 100 % le remboursement des centaines de milliards de dettes émises chaque semaine ? Vont-elles attendre que le Trésor anglais rate une opération de refinancement pour s'apercevoir que le déficit budgétaire est insoutenable ? Vont-elles espérer ou prier pour que la France parvienne par miracle à assumer ses responsabilités financières alors que, sans croissance forte et avec une population vieillissante, il est écrit, aujourd'hui, que la France a un problème de dette qui ne peut que s'aggraver. Si la dette grecque mérite le statut de «  junk bond » aujourd'hui, elle aurait dû l'avoir depuis plusieurs mois. Et si la dette grecque mérite le statut de « junk bond », les dettes anglaise, américaine et française ne méritent plus leur triple A. Il est urgent de réformer les agences de notation, car leur avis pèse encore sur les marchés. Il ne s'agit pas ici de tuer les porteurs de mauvaises nouvelles, mais de leur demander de faire preuve de retenue, de vision et d'indépendance : en un mot, qu'elles se taisent !CHRONIQUE Marc Fiorentino Stratège d'Allofinance.com
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