« Les gérants intègrent de plus en plus de critères ISR à leur gamme de fonds »

Quelles sont les évolutions en termes d'approche ISR (investissement socialement responsable) ces dernières années ?Le mouvement a été largement initié par les sociétés de gestion en France, rejointes par des investisseurs. Ces derniers sont de plus en plus nombreux à se pencher sur une démarche ISR dans leur gestion de portefeuille et à signer les principes pour l'investissement responsables (PRI) édictés par l'ONU. A commencer par le FRR (Fonds de réserve pour les retraites) ou l'Erafp (Etablissement de retraite additionnelle de la fonction publique). Selon moi, c'est une petite révolution qui est en train de s'installer chez les institutionnels. Une révolution lente mais en marche. Preuve en est l'introduction des approches ISR dans plusieurs maisons de gestion.Vous voyez donc de plus en plus de gérants sur ce créneau ?Ils sont surtout plus nombreux à appliquer des filtres ISR à l'ensemble de leur gamme de fonds. À l'origine, le marché de l'ISR était exclusivement un marché de niche. Il le reste. Mais l'approche d'intégration progressive de facteurs ESG (environnement, sociétal et gouvernance) à toute la gestion fait son chemin. C'est que l'ISR, comme vecteur de performance et de création de valeur à moyen et long terme, s'est diffusé. Et même si cela fait encore débat chez des théoriciens, les praticiens démontrent qu'il n'y a pas de sous-performance dans une approche ISR. Dès lors, celle-ci n'a pas vocation à rester marginale. Par ailleurs, les pratiques ISR évoluent chez les investisseurs eux mêmes. Décider de sortir une valeur d'un portefeuille pour non respect avéré d'un ou plusieurs principes ESG, ou maintenir la valeur dans le portefeuille en attendant de l'entreprise des démarches de progrès tangibles illustrent des comportements différents et des pratiques en évolution.Justement, comment les entreprises s'adaptent-elles à cette nouvelle approche ? Les investisseurs ISR ne sont peut-être pas encore décisifs dans la motivation des entreprises à s'engager dans une démarche de responsabilité sociale et environnementale. Hélas, ils restent pour certains encore trop discrets. Les motivations tiennent aux pressions exercées par des parties prenantes influentes, par la prise de conscience des risques de réputation, de moindre attractivité de la marque à négliger sa responsabilité sociale. Les dirigeants les plus éclairés y voient des opportunités de croissance durable et d'avantages compétitifs. En France, la Lyonnaise des Eaux, filiale du groupe GDF SUEZ, ou encore Danone avec son action sur son « écosystème » relèvent de cette dernière catégorie. En réalité, le paysage est contrasté entre l'engagement d'affichage et sa traduction dans les opérations concrètes de l'entreprise et entre une communication pointilliste ou la mise en place d'un reporting structuré. Les marges de progrès sont nombreuses.Mais alors, de quoi rendent compte les entreprises ?Dans l'ensemble, les entreprises européennes rendent plus volontiers compte de leurs objectifs et de leurs visions que de leurs réalisations en matière sociale, environnementale et de gouvernance. Malgré cela, c'est sur ce dernier point qu'elles communiquent le plus d'informations, alors que les aspects liés aux droits fondamentaux de leurs salariés et leurs conditions de travail restent plus faiblement renseignés. Par ailleurs, quand nous sommes amenés à intégrer de nouveaux critères à notre référentiel d'analyse, ce qui va être le cas sur le sujet du lobbyng exercé par les entreprises, la disponibilité de l'information et sa communication n'est pas immédiate pour toutes les entreprises.Dans le contexte actuel comment se sont passées les dernières années pour Vigeo ?Vigeo a été créé en 2003, a suivi sa feuille de route et confirmé que notre intuition de départ était bonne. En créant l'offre, nous avons suscité la demande. Tous les acteurs concernés par l'ISR et la RSE (responsabilité sociale et environnementale) ont diversement, mais progressivement, pris conscience de l'importance de ces enjeux. Le marché est devenu plus mature. Malgré la crise qui a eu un impact conjoncturel sur notre activité, la tendance est de nouveau dynamique. La crise aura même donné à ces concepts un caractère d'actualité et joué en faveur de leur prise en compte. La RSE, c'est finalement reconnaître que construire de la valeur pour l'actionnaire ne saurait se faire en ignorant les intérêts de ses autres parties prenantes. N'est-ce pas aussi un enseignement de la crise ?
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