Le torchon brûle entre fonds et dirigeants

Dans le petit monde du LBO, où la discrétion est de règle, on aurait volontiers fait l'économie d'une telle publicité. La tentative de limogeage de Pierre Bellanger, le patron de Skyrock, et les pressions exercées sur le PDG d'Altran, Yves de Chaisemartin, ont placé leurs actionnaires respectifs, Axa Private Equity et Apax Partners, sous les feux de l'actualité. Surtout, ces deux affaires ont remis au coeur du débat le pouvoir et l'influence des fonds de LBO, ces spécialistes du rachat d'entreprises avec un recours à l'endettement.Durant les années 2000, les firmes de private equity ont eu un appétit sans limites. Aujourd'hui, elles comptent dans leur portefeuille des fleurons de l'industrie hexagonale, comme Atos, Bureau Veritas, PagesJaunes ou Saint-Gobain. Entre 2006 et 2007, au plus fort de la bulle du LBO, elles ont réalisé près de 1.000 milliards de dollars de rachats dans le monde (670 milliards d'euros). La crise financière avait donné un coup d'arrêt brutal à cette dynamique. À la fin de l'année 2008, d'aucuns prédisaient l'explosion imminente de la « bombe LBO » et sa contagion au secteur bancaire, porteur de gigantesques paquets de dette structurée. Si la déflagration fut évitée, beaucoup de fonds n'échappèrent pas à de longues restructurations de leurs montages financiers avec leurs créanciers.Depuis le début de l'été 2010, la machine s'est peu à peu remise en route. En France, plusieurs transactions majeures, comme le rachat de Picard par Lion Capital ou de la chaîne d'hôtels B&B par Carlyle, ont été signées. Pour autant, la page de la crise n'est pas tournée. Nombre de sociétés détenues par des fonds n'ont pas retrouvé leur niveau d'activité d'avant-crise. Ni leur valorisation. Du coup, les firmes de capital-investissement voient s'éloigner les niveaux élevés de rentabilité (au moins 15 %) promis à leurs investisseurs. Pour éviter cet échec, qui compromettrait leurs futures levées de capitaux, les fonds actionnent tous les leviers disponibles pour améliorer les performances de leurs participations. Y compris celui consistant à remplacer le dirigeant en place, comme dans le cas de Skyrock. « Certains fonds ont une culture ?management friendly?. C'est-à-dire qu'ils essayent de préserver l'équipe dirigeante coûte que coûte. D'autres considèrent, au contraire, qu'un changement de direction est l'une des premières décisions à mettre en oeuvre quand le niveau de rentabilité n'est pas satisfaisant », explique un spécialiste du marché. « Le but d'un fonds d'investissement est le même que celui d'un industriel : s'assurer que le meilleur management est en place. Nous avons tout intérêt à ce que les relations soient bonnes avec les dirigeants, car tout changement est source d'instabilité pour l'entreprise », estime pour sa part Michel Paris, directeur général de PAI Partners.Sauver le « management package »Lors du montage d'un LBO, les firmes de private equity ont recours à un outil financier pour s'assurer de la loyauté des dirigeants : le « management package ». Ce dispositif apporte une rémunération généreuse si un certain nombre d'objectifs sont remplis. Seul hic, depuis 2008, des dizaines de patrons de sociétés ont vu leur « management package » amputé sensiblement, voire réduit à zéro, en raison des mauvais résultats de leur entreprise. « Une source de démotivation pour beaucoup d'entre eux », glisse l'associé d'un grand fonds français. Pour Gonzague de Blignières, président de Barclays Private Equity en France, « les fonds doivent, à certains moments, prendre leur responsabilité d'actionnaire et changer le management. Cela est une solution parmi d'autres pour redresser la rentabilité d'une participation ». Avant d'ajouter : « 2009 a été une année difficile, l'emploi de méthodes de gestion strictes était inévitable. » D'autant plus inévitable que beaucoup de fonds se trouvent aujourd'hui dans l'obligation de vendre et doivent, au préalable, remettre à flot leurs participations. Après avoir suspendu leurs cessions pendant la crise, faute d'obtenir des prix satisfaisants, ils ont cédé sur le seul premier trimestre 2011 plus de 70 milliards de dollars d'actifs dans le monde. Un niveau historique.
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