Un monde qui bascule

La crise n'a pas seulement changé les points de repère, elle a aussi révélé des évidences et tué des idées fausses. Qu'on se souvienne du monde d'avant 2008. En apparence, il était dominé par l'économie et la finance occidentale, avec une croissance soutenue dans la plupart des pays du monde. Pourtant, tous les fondamentaux de la crise étaient déjà présents. D'abord, l'idée fausse que tout pays mature évolue de l'agriculture, à l'industrie et aux services était considérée comme incontestable. Or, tout démontre que, sans industrie et sans technologie, une économie ne peut pas durablement se développer, sauf à devenir une réserve touristique. La politique industrielle (concept ringard??...) redevient la clé des économies occidentales. Dans un monde où la consommation est dominée par l'Asie, le salut passe par l'avance technologique et l'innovation. Les entreprises le savent?: la conciliation entre le partage du savoir (parce qu'elles ne peuvent plus investir et innover seules) et l'appropriation de la technologie de demain est un des enjeux les plus complexes à résoudre. La course à l'innovation se retrouve dans tous les domaines et devient la clé d'un futur de plus en plus incertain. Et puis, sans insister sur ce point, il devient évident que nourrir 9 milliards d'hommes devient un enjeu économique et stratégique majeur. À cet égard, le fait que l'Allemagne agricole soit devenue plus performante et exportatrice que la France est un drame lent qui est malheureusement accepté dans l'indifférence.Ensuite, à « big is beautiful », s'est substitué le concept de « too big to fail » dont le sauvetage des banques par les États est l'exemple le plus éclatant, après que la chute de Lehman Brothers démontre le caractère inacceptable pour l'économie mondiale de faillites en cascade. Et sans chercher à débattre sur l'hypothèse d'un nouveau coup de froid sur l'économie et l'incapacité des États à, une nouvelle fois, mettre la main au pot, se pose la question primordiale de la gouvernance et de l'exercice du leadership.Au sein d'une entreprise mondiale comme la nôtre, Jeff Immelt, président de GE, a entrepris une réflexion depuis plus d'un an sur les qualités du dirigeant de demain. Sans entrer dans la liste infinie des qualités requises?: compétence, vision, intégrité, capacité d'anticipation mais aussi d'écoute, culture internationale... apparaît une question et une seule?: comment concilier, juger et évaluer l'esprit d'entreprendre et la gestion du risque?? Comment promouvoir dans l'entreprise les talents qui sauront inventer les marchés et les métiers de demain, tout en ne prenant pas de risques inconsidérés sur la réputation, l'intégrité, la sécurité et les valeurs de l'entreprise?? Comment éviter que l'adversité au risque ne compromette pas les chances de faire la course en tête?? Dans un monde de plus en plus complexe la question confine à la voie étroite.C'est pourquoi, pour reprendre une formule gaullienne, face à ce monde complexe, il faut revenir à des principes simples. D'abord, dans l'obscurité actuelle, avoir une ligne de conduite très claire, lisible, compréhensible et reconnue par tous : salariés, clients, analystes... afin que chacun s'y retrouve et sache s'adapter quand il faut changer parfois brutalement de méthode ou de stratégie.Ensuite, une attitude irréprochable. Par temps de brouillard, l'attitude du chef sert de référence. Puisqu'on ne voit pas l'horizon, on regarde celui qui vous commande. Toute faiblesse ou dérapage prend des proportions inédites par temps clair. Et puis revenir à l'évidence?: le savoir-faire, le service et l'adaptation au client, la qualité d'exécution, l'anticipation des opportunités et des risques sont les piliers indispensables non seulement d'une croissance durable et crédible mais de l'innovation à venir.Aujourd'hui, la croissance de l'économie mondiale a basculé du monde occidental vers le monde asiatique et sud-américain mais un autre choc nous attend?: 80 % du PIB mondial se fera dans les villes en 2050. Tous les grands enjeux de l'énergie, de la mobilité, de la communication, de la santé, de l'éducation et du bien-être y sont concentrés. Comment inventer la ville où il fait bon travailler, et vivre ensemble tout en respectant l'environnement?? Les entreprises comme GE ont leur part de réponse, mais les États (tout particulièrement la France) peuvent faire en sorte que ce soit sur notre sol que l'avenir des villes s'invente et se dessine. Une passionnante aventure qui mérite bien que nous dépassions nos querelles de court terme.(*) Et vice-présidente de GE International en charge des grands comptes publics et des villes.
Commentaire 0

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

Il n'y a actuellement aucun commentaire concernant cet article.
Soyez le premier à donner votre avis !

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.