Aéroports de Paris s'est-il fait rouler dans la farine en Turquie ?

Sueurs froides chez les dirigeants d\'Aéroports de Paris (ADP). Trois mois et demi après avoir déboursé la somme de 874 millions de dollars pour acheter 38% du capital du groupe turc TAV, propriétaire de plusieurs aéroports dont Ataturk à Istanbul en pleine croissance, la question est sur toutes les lèvres. ADP, en procédant à la plus grosse acquisition de son histoire, celle qui devait lui garantir des relais de croissance exceptionnels, s\'est-il fait rouler dans la farine ? Certains le craignent depuis l\'annonce mi-août du ministre des transports turc, Binali Yildirim, du lancement d\'un appel d\'offres d\'ici à la fin de l\'année pour construire pour 2015 un troisième aéroport à Istanbul.  Avec une capacité initiale de 90 millions de passagers mais ouvant être étendu à 150 millions, celui ci serait gigantesque. L\'un des plus grands du monde. Evalué à près de 10 milliards de dollars par certains observateurs, ce nouvel aéroport est destiné à répondre à la saturation de l\'aéroport actuel d\'Ataturk.Saturation aéroportuaireProblème, si cette saturation était prévue dans le business plan d\'ADP, elle n\'était pas attendue avant 2018. Surtout, il n\'était pas question d\'un tel investissement. « Lorsque nous avons acheté, la question de la saturation d\'Istanbul se posait. A l\'époque, il était question d\'y répondre par une piste de décollage ou d\'atterrissage supplémentaire, à la charge de l\'Etat », a indiqué ce vendredi à La Tribune Pierre Graff, le PDG d\'Aéroports de Paris, en aparté de la présentation des résultats semestriels, marqué par une chute du bénéfice net de 18%, à 147 millions d\'euros. « Ce qui se passe en Turquie est un vrai sujet », admet un proche du gouvernement.Dette de 3,1 milliards d\'eurosLes risques sont de deux ordres pour ADP : TAV postule et construit le nouvel aéroport comme il semble vouloir le faire, et ADP se retrouve coincé à financer un investissement colossal au regard de sa taille (2,5 milliards d\'euros de chiffre d\'affaires en 2011) qu\'il n\'avait pas prévu. Ceci, alors même que son endettement net s\'est nettement creusé avec cette acquisition, à 3,1 milliards d\'euros. Son ratio d\'endettement (gearing) est passé de 61% fin 2011, à 87% fin juin 2012. Une évolution qui a d\'ailleurs poussé l\'agence Fitch à dégrader, en août, la note du groupe d\'un cran à A+.Plus grave, TAV n\'obtient pas la gestion de la nouvelle infrastructure et son aéroport d\'Istanbul sera complètement siphonné par le nouvel aéroport. Adieu Byzance. Le retour sur investissement partira en fumée. « Il y a un risque compte tenu de la taille de l\'investissement par rapport à la taille d\'ADP », explique un expert.ADP piégé?La proximité entre la signature du chèque par ADP et l\'annonce turque est en effet troublante. ADP s\'est-il fait piéger ? « Je ne peux pas penser une seconde que nous soyons lésés », a expliqué Pierre Graff, contraint de lâcher ses fonctions en novembre, date à laquelle il aura atteint la limite d\'âge. Comme certains proches du gouvernement français, il pense qu\'un tel projet ne peut se réaliser avant la fin de la concession d\'ADP à Ataturk qui s\'achève en 2020. Néanmoins, si ce troisième aéroport devait voir le jour avant, «il faudra que l\'état turc nous indemnise pour la partie de la concession (qui serait impactée par l\'ouverture d\'un troisième aéroport, ndlr), ce qu\'il a d\'ailleurs dit ». Et de lâcher: « Nous allons aller aux nouvelles. Je ne suis pas très inquiet ».Pour des observateurs, proches d\'ADP, l\'annonce du premier ministre turc s\'apparente plutôt à un effet d\'annonce dans le cadre des prochaines élections municipales d\'Istanbul auxquelles le ministre pourrait se présenter.Lock-up en général de 5 ansNéanmoins, si l\'affaire devait mal tourner, ADP a intérêt d\'avoir bien verrouillé ses clauses de sortie. Car, comme l\'a rappelé Pierre Graff, le lock-up (période durant laquelle les actionnaires ne peuvent pas vendre) est en général « d\'au moins cinq ans ».On est donc loin de l\'euphorie qui régnait ce 12 mars quand ADP annonçait avoir arraché à la barbe de son rival Vinci l\'acquisition de TAV. Pour autant, vendredi dans le document fourni à la presse et aux analystes, l\'acquisition de TAV est toujours présentée comme « une étape décisive dans la stratégie internationale ». ll est vrai que sans parler de cette histoire de troisième aéroport, TAV est une excellente entreprise qui surfe sur la croissance vertigineuse de Turkish Airlines. Au premier semestre TAV a, selon ADP, réalisé un chiffre d\'affaires de 483 millions d\'euros, en hausse de 20%, pour un bénéfice net de 48 millions et un Ebitda de 129 millions (+23%) 
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