« L'économie mondiale est dans une situation très incertaine »

Éric chaney, chef économiste du groupe axaComment expliquez-vous la très forte baisse des taux d'intérêt à long terme cet été??Les marchés ont repoussé d'un an, dans la deuxième moitié de 2011, le début du resserrement de la politique monétaire en Europe et aux États-Unis. Ils ont également révisé à la baisse leurs anticipations d'inflation et de croissance à très long terme, ce qui me semble plus discutable. Mais c'est surtout l'incertitude de la conjoncture internationale qui explique que les investisseurs se tournent vers des valeurs refuges comme les bons du Trésor américain ou les obligations allemandes.Cette baisse des taux constitue plutôt une bonne surprise...Pour les États qui doivent financer leurs déficits publics ou les ménages qui souhaitent acquérir un logement, c'est évidemment une bonne chose. Pour les banques, qui font de la transformation en prêtant à long terme de l'argent déposé à court terme, cela ne change pas grand-chose. Mais ce n'est pas une bonne nouvelle. J'insiste sur le fait que la ruée actuelle sur les obligations - les taux d'intérêt évoluent en sens inverse des prix - s'explique par une très forte aversion pour le risque. Les taux d'intérêt à long terme pourraient même tomber dans les prochains mois jusqu'à 2 % aux États-Unis et 1,5 % en Allemagne.Pourquoi l'incertitude est elle aussi forte??L'activité dans l'industrie américaine s'est un peu redressée en août. Mais les prochains mois risquent d'apporter plus de mauvaises nouvelles que de bonnes. D'abord, le ralentissement du commerce mondial va se poursuivre, la demande finale des grandes économies émergentes n'étant plus superstimulée à coup d'amphétamines budgétaires et monétaires. Ensuite, le puissant cycle des stocks qui a tiré la production manufacturière depuis la mi-2009 touche à sa fin. Enfin, il n'y a plus guère de marge de manoeuvre pour les politiques budgétaires dans les pays de l'OCDE. Même si elles restaient inchangées et a fortiori si elles prenaient un tour plus rigoureux, les politiques budgétaires pèseraient sur la demande.Quel scénario privilégiez-vous??La reprise mondiale continuera d'être alimentée par la forte demande structurelle des économies émergentes même si le processus de désendettement des ménages américains bridera encore pendant plusieurs années la consommation. Mais l'économie mondiale se trouve actuellement dans une situation extrêmement incertaine. Est-ce que l'investissement des entreprises va prendre le relais des stocks pour enclencher une reprise auto-entretenue?? Les entreprises ont de bonnes raisons d'investir. Mais le risque est aujourd'hui qu'elles diffèrent leurs projets d'investissement et que le ralentissement actuel de la croissance mondiale ne devienne endogène.Propos recueillis par Xavier Harel
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