Les marchés actions doivent-ils craindre la Fed ?

Les marchés actions doivent-ils craindre le « tapering off » de la politique monétaire accommodante de la Fed, c'est-à-dire la modulation progressive du rythme de ses achats de titres ? La nervosité des marchés observée après les déclarations de Ben Bernanke du 22 mai dernier présage-t-elle d'un nouveau monde où les marchés vont devoir s'habituer à  vivre sans le soutien de la banque centrale américaine ou pour répéter la vulgate courante : « d'un marché privé de sa piquouse de liquidité et qui devra se sevrer » ?De façon un peu curieuse, la réaction des marchés en juin dernier montrait que ceux-ci considéraient comme acquis l'enchaînement entre créations d'emploi - début du ralentissement des achats d'actifs par la fed - hausse des taux -chute des marchés actions.Inertie des taux courtsCet enchainement n'a pourtant rien de mécanique. D'abord, la Fed a une cible explicite de taux de chômage et non pas de créations d'emplois. Or en phase de reprise, les inscriptions au chômage tendent à augmenter, ce qui détend la relation « créations d'emploi - fin de l'assouplissement quantitatif ». Certains chômeurs, découragés jusqu'ici, reviennent s'inscrire sur les listes lorsque la conjoncture s'améliore. Par exemple, en août, le département du Travail a annoncé que les demandes d'allocation chômage ont augmenté de 13.000 sur une semaine, pour atteindre 336.000, soit 6.000 de plus qu'attendu.Par ailleurs, la fin du QE3 et le début de la remontée des taux d'intérêt sont deux évènements distincts. N'oublions pas que la politique de forward guidance n'a pas été modifiée : tant que les prévisions d'inflation à moyen terme demeurent inférieures à 2,5% et que le taux de chômage reste supérieur à 6,5% (pas avant mi-2015 selon les prévisions actuelles), les taux d'intérêt ne seront pas remontés. Et Ben Bernanke a rappelé en juillet que même si le taux de chômage atteint 6,5%, la hausse des taux d'intérêt n'est pas automatique. Les minutes publiées en août montrent même que plusieurs membres du comité de politique monétaire pourraient souhaiter abaisser le seuil de taux de chômage si nécessaire. Les taux courts vont donc profiter d'une certaine inertie.Prime de risque contra-cycliqueDans ces conditions, la pentification de la courbe des taux qui est déjà significative ne peut être infinie. La pente 10 ans-1 an est aujourd'hui de 268 points de base (pdb). Cette pente a touché son plus haut historique (depuis 60 ans) en février 2010 avec 335 pdb. On peut donc raisonnablement penser que la hausse des taux longs est capée à moyen terme par un taux à 10 ans de l'ordre de 3,5%.Cette marge de progression des taux doit-elle inquiéter les gérants actions ? En principe, une hausse de taux doit impacter négativement les prix des actions car selon l'approche fondamentale, la valeur actualisées des dividendes futurs est réduite. Sauf que justement, cette hausse des taux est liée à une ré-accélération de l'activité qui joue à la fois favorablement sur les résultats attendus des sociétés et sur la prime de risque espérée. Les recherches en économie financière montrent que la prime de risque est fortement contra-cyclique, se réduisant en phase d'expansion et s'accroissant en période de récession et de crise. Les hausses de taux ne se font justement pas toutes choses égales par ailleurs.Fed, trouble-fêteIl peut être intéressant d'étudier depuis trois décennies, le comportement des marchés actions en période de forte hausse des taux. Nous avons examiné, toutes les périodes de krach obligataires définis par une chute de 10% ou plus du prix des obligations du Trésor américain sur une fenêtre d'un an. Treize phases de hausses des taux sont ainsi identifiées qui incluent entre autres les épisodes inflationnistes du début des années 1980 et le krach de 1994. Or surprise, pendant ces hausses des taux, la progression de l'indice S&P500 est en moyenne de 7%. Au pire, cet indice a reculé de 4% en 1994. Par ailleurs, la performance des actions européennes et émergentes sur ces mêmes phases de hausse des taux américains est de 9% et de 22% respectivement.Les marchés se montrent nerveux et obnubilés par le calendrier du ralentissement des injections de liquidités. Toutefois, le coup de semonce donné par les marchés à la Fed en juin dernier aura eu le mérite d'avertir la Fed que les stratégies d'exit ne s'improvisent pas et sont un art des plus délicats. Selon le lointain prédécesseur de Bernanke, William McChesney Martin, le mandat de la banque centrale est de retirer le bol de punch (des liquidités abondantes) avant que la fête batte son plein. Aujourd'hui, le mandat de Ben Bernanke consiste davantage à annoncer pendant la soirée que le bol sera peut-être retiré avant minuit. 
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