Dubaï ? : pas vu, pas pris ? !

Dans sa liste des entreprises considérées comme porteuses de risque systémique, le nouvel organe de la régulation internationale, le Conseil de stabilité financière (FSB), a fait l'impasse sur un secteur entier de notre économie. Le G20 avait même déjà oublié de citer ce même secteur, pourtant à l'origine de la dernière crise? Aucun rappel à l'ordre pour une meilleure gouvernance, aucune mesure visant à responsabiliser les entreprises ayant reçu des aides massives quant aux rémunérations. Est-ce possible?? Quel secteur d'activité a-t-il pu ainsi accomplir la prouesse de passer à travers les mailles du filet de la grande réforme internationale de la régulation visant à nous protéger d'un nouveau séisme mondial?? La réponse à cette énigme planétaire se manifeste aujourd'hui à Dubaï?: un programme immobilier défiant les lois de la nature dont l'envergure démesurée tarde à trouver des acquéreurs. Des mètres carrés qui s'empilent sans réfléchir au potentiel d'absorption du marché ou à celui des ressources naturelles.Cette crise immobilière qui émerge du Golfe a un air de déjà vu?: aux États-Unis, dans les pays Baltes, en Espagne? C'était il y a à peine un an, cela a coûté des points de croissance à ces pays. Or personne ne semble avoir encore pris la mesure des risques associés au secteur immobilier et à la promotion en particulier. Cherchons l'erreur? 2009, disait-on, serait l'année de la gouvernance. On voulait signifier par là que les enjeux de gouvernement d'entreprise, mis dès le début de la crise sur le banc des accusés, n'étaient plus seulement l'affaire des actionnaires et de leur droit de vote. Le sujet devenait l'affaire des États, voire une affaire d'État, et donc l'affaire de tous?: un enjeu d'intérêt public. Ce faisant, la crise a propulsé sur le devant de la scène deux dimensions jusque-là méconnues de la doctrine du gouvernement d'entreprise?: l'équité sociale et le contrôle du risque systémique qu'impliquent l'activité et ? facteur aggravant ? la taille de certaines entreprises. Deux enjeux clés qui ne sont en définitive que l'expression d'un seul critère de gouvernance?: la rémunération.Ce débat s'est largement concentré sur le secteur bancaire. Un simple parallèle eût pourtant suffi pour que se propage une idée plus large des facteurs de crise et de la responsabilité des acteurs économiques. Ce parallèle n'a jamais été fait. Personne, dans ce contexte, ne s'est réellement posé la question de savoir quel secteur, après la finance, pratiquait les niveaux de rémunérations variables les plus forts? Aucun régulateur n'a cherché à savoir quel décisionnaire, mis à part un trader, pouvait engranger instantanément une rémunération démesurée une fois sa transaction réalisée, sans craindre de voir celle-ci altérée par la performance économique à moyen terme du bien vendu, ni par le niveau de risque transféré au marché. Aucun projecteur ne s'est braqué sur les conséquences économiques du modèle de rémunération en place dans la chaîne de valeur de l'activité de promotion immobilière. Dans l'analyse de l'adéquation d'un système de rémunération à des objectifs de maîtrise du risque systémique, on distingue trois facteurs. L'excès (souvent caractérisé par une rétribution plus ou moins directement proportionnelle à la performance) est un élément fondamental. Les assureurs, autres acteurs systémiques pointés par le FSB, mais dont le système de rémunération est considéré comme raisonnable, ont passé la crise presque sans encombre? à une exception près?: AIG, piégé par sa filiale de produits dérivés qui abritait des niveaux de bonus hors normes pour ce secteur. Un second facteur est la concentration du pouvoir de décision aux mains d'un seul homme, dont les moyens deviennent alors susceptibles de décupler l'égo? et la prise de risque. Le dernier facteur aggravant relève du mode d'évaluation des rétributions en fonction des résultats. La rémunération variable doit mesurer la durabilité d'une plus-value, ou de toute création de valeur à moyen terme. Ce qui suppose d'étaler les rémunérations variables, et d'y associer un malus en cas de contre-performance.L'ensemble de ces trois critères n'est en passe de devenir la règle pour les activités à risque des institutions financière?; elles restent tout à fait exceptionnelles dans les activités de promotion immobilière. Et aucun régulateur n'a encore investi ce sujet sérieusement. L'enjeu est pourtant de taille?: la mise en ?uvre d'une gouvernance appropriée dans ce secteur soutiendrait deux bénéfices considérables. Le premier, au-delà des enjeux économiques, consiste à atténuer la crise écologique et climatique. Car un mode de rémunération court-termiste du maître d'ouvrage favorise forcément, dans la rédaction des appels d'offres et dans la sélection des réponses, les dossiers les moins-disants? qui sont rarement les mieux-disants environnementaux (ou sociaux). Le simple fait d'adapter les modes de rémunération dans ce secteur aurait une portée déterminante pour assurer un développement économique en adéquation avec les défis écologiques. Le second, on l'a compris, tient à éviter que les crises systémiques, dont l'immobilier, comme nous le rappelle encore aujourd'hui Dubaï, est un des facteurs de déclenchement privilégié, ne deviennent pas systématiques. n [email protected] de vue Stephane Voisin Fondation « GoodPlanet »
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