Au-delà de l'industrie... un nouveau cycle de croissance

Les biens sont un élément trop important de la satisfaction de nos besoins pour en abandonner la production à d'autres pays. Il faut évidemment sauver l'industrie, mais pour pouvoir le faire, il faut la placer dans un cadre nouveau. Il est en effet désormais possible d'organiser efficacement la mise à disposition temporaire des biens et des personnes sur tous nos lieux de vie, ce que les technologies précédentes avaient été incapables de faire. On va ainsi pouvoir satisfaire nos besoins tout autrement et donc mieux. Un nouveau cycle de croissance s'ouvre. Il nous invite à passer d'une économie de « l'avoir plus » à une économie de « l'être mieux ».Avec cette nouvelle façon de satisfaire les besoins, le positionnement de l'industrie est très différent de celui auquel nous étions habitués. Autrefois, les technologies qui savaient décupler chaque année davantage les capacités physiques des hommes permettaient de produire davantage de biens par heure de travail. Alors le bien était premier car il était seul productif. Les services ne pouvaient pas dégager de gains de productivité : il n'était pas question de faire manger une personne dépendante plus vite chaque année ou d'apprendre à lire à un enfant plus vite. On avait certes quelques services de qualité, mais c'était en prélevant une partie des gains de productivité de l'industrie pour les distribuer aux salariés des services. Il fallait en quelque sorte mériter les services en produisant d'abord des biens. Cette hiérarchisation est en train de disparaître car les services deviennent productifs comme les biens. En effet, les gains de productivité de l'industrie n'ont plus rien à voir avec ce qu'ils étaient autrefois. Ils ne résultent plus du fait que les machines produisent davantage de biens à l'heure, mais que les automates permettent d'élargir et de monter leur gamme. Avec une productivité qui n'est plus de vitesse, mais de diversité, les services peuvent devenir productifs d'autant qu'ils ont un potentiel de diversification considérable que les biens ont largement entamé.De plus, cette séparation entre biens et services justifiée par leur capacité à dégager des gains de productivité a été renforcée par le fait qu'on ne savait mettre ni les biens ni les personnes à la disposition temporaire des consommateurs sur leurs lieux de vie. On avait pris l'habitude de séparer l'industrie, au sens des biens que le consommateur achète, et les services, au sens des personnes dont les consommateurs vont chercher le savoir ou le savoir-faire dans des lieux dédiés (école, hôpital, gare, boutique, etc.). Dans ce contexte, la distinction entre cette acception restrictive de l'industrie et des services paraissait doublement « naturelle ». Mais, au fur et à mesure que les biens et les personnes pourront être mis à disposition temporaire sur tous les lieux de vie de façon également productive, cette séparation paraîtra artificielle. Il est vrai que la façon la plus naturelle de satisfaire nos besoins est de mettre simultanément à notre disposition temporaire sur nos lieux de vie à la fois les biens, qui n'ont plus besoin d'être achetés, et les personnes dont nous avons besoin pour les satisfaire. C'est précisément la définition du « service » en comptabilité nationale.Le produit final de cette nouvelle économie sera donc le service. Le bien deviendra de plus en plus une consommation « intermédiaire » des services, au sens où il ne sera pas acheté par les consommateurs.Pour autant, le bien ne sera en rien « second ». Le statut de consommation intermédiaire n'est aucunement un sous-statut par rapport à celui de consommation finale. Il ne viendrait à l'idée de personne de dire que le moteur ou les roues de voiture sont secondaires par rapport à la voiture. Ce qui est vrai en revanche, c'est que celui qui fabrique le produit final est au bout de la chaîne de production et se trouve ainsi en meilleure position que le « sous-traitant » pour attirer à lui une part importante de la valeur ajoutée créée. On comprend que les industriels qui ont eu l'habitude de vendre les biens ne voient pas forcément d'un bon oeil le fait de devoir devenir une sorte de sous-traitant d'entreprises de services. Mais c'est une autre affaire ! Alors, ne boudons pas le service car il est sans doute la meilleure façon de sauver les biens en les mettant à disposition temporaire sur les lieux de vie. Pour sauver l'industrie, il faut la dépasser. nPoint de vue Michèle Debonneuil Inspecteur des finances, membre du Conseil d'analyse économique (CAE).
Commentaire 0

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

Il n'y a actuellement aucun commentaire concernant cet article.
Soyez le premier à donner votre avis !

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.