La grande illusion se joue en « Maison de poupée »

Elle est charmante, Audrey Tautou. Un visage mutin, toujours le sourire aux lèvres, avec l'impression qu'elle vient juste de sortir d'un rêve. Au cinéma elle fait merveille, avec une innocence à fleur de rôle.La voici au Théâtre de la Madeleine dans une pièce d'Ibsen « Maison de Poupée », dans le rôle de Nora. Un rôle qui, avec son côté femme-enfant, semblait lui convenir. Mais Nora, c'est tout autre chose. Une femme enfermée dans le bonheur, jusqu'à l'obsession, l'aliénation, pour être heureuse. Tant et si bien qu'elle s'est compromise par amour, aveugle au monde qui l'entoure, pour sauver son couple. Elle deviendra elle-même lorsqu'elle sera bafouée dans cet amour par son mari et trouvera alors sa liberté. Sa propre identité.coquille videIbsen se défend de parler de féminisme. Il veut simplement, disait-il, décrire des êtres humains. Dans la mise en scène de Michel Fau, qui frise l'emphase et parfois le ridicule et la parodie, Audrey Tautou interprète Nora comme si c'était une idiote. Elle piaille, braille, s'agite, virevolte dans tous les coins, proche de l'hystérie. Ce jeu tout en apparence peut épater, mais la coquille est vide, le personnage absent, sans aucun sentiment, sans amour ni révolte. Ce n'est que le fantôme de Nora que l'on entend crier. D'autant que le metteur en scène a accentué ce côté fantoche et marionnette par un maquillage outré comme dans un film muet avec les yeux charbonneux, le teint blanc, farineux. Une outrance gratuite.En face d'Audrey Toutou, le metteur en scène, lui-même, joue le mari. Son parti pris est encore plus tragique. Il n'interprète pas son rôle, il le chante, met une certaine distance burlesque (volontaire ?) entre lui et son personnage à la manière d'un Aimé Clarion, façon Comédie-Française des années 1950.Il est vrai que sa lecture de la pièce du dramaturge norvégien est assez primaire. Une illustration complètement décalée d'un certain naturalisme sans lequel l'oeuvre perd de sa réalité. Par pudeur, on se taira sur le reste de la distribution au diapason de la mise en scène.Pour sa rentrée théâtrale, Audrey Tautou n'avait pas choisi la facilité. Tout à son honneur. Hélas, sa « Poupée » se brise sur un rêve de théâtre qui reste ce qu'il est, une illusion. n Théâtre de la Madeleine. Tél. : 01.42.65.07.09.
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