« La mondialisation, vous dis-je ! »

Au chevet de nos maladies économiques et sociales, nos modernes médecins politiques, de gauche comme de droite, ne connaissent, tels ceux de Molière, qu'un seul diagnostic : « Un manque d'État, vous dis-je. » Malheureusement, après tant d'échecs de cette médecine officielle, d'autant plus inefficace qu'elle est aujourd'hui sans le sou, la tentation est grande de faire appel aux rebouteux. Nos populaires rebouteux cependant n'ont guère d'imagination, ils ne font que promettre d'augmenter la dose du « toujours plus d'État ».Le Front national, qui affole aujourd'hui les baromètres politiques, a désigné la cause de tous nos maux. C'est la « mondialisation ultralibérale imposée par les États-Unis et la finance internationale ». Son remède, c'est la reprise du contrôle de l'économie et de nos frontières par le politique. Sa promesse, c'est celle d'un État fort pour mettre en oeuvre « un protectionnisme social et territorial ». En fait, le refus de la mondialisation libérale et la condamnation des excès de la finance internationale sont des discours convenus, à gauche comme à droite.Tout comme la volonté de protéger les Français contre tous les soi-disant dumpings fiscaux, sociaux, environnementaux. Après tout, la « préférence communautaire » - c'est-à-dire la version européenne de la préférence nationale - est une proposition de l'actuel président de la République. Tout comme la TVA sociale qui prétend faire contribuer les produits étrangers au financement de notre protection sociale ou la taxe carbone sur les produits importés. Et les propositions les plus radicales du Front national sur la rupture européenne ne font que suivre celles des souverainistes de gauche et de droite. En fait, le Front national ne fait le plus souvent que surenchérir dans des propositions puisées chez ses adversaires. Du maintien exigeant des services publics jusqu'aux nationalisations sanctions pour les banques !Certes, sur la difficile question de l'immigration, le Front national, d'un point de vue populaire, bénéficie d'un avantage comparatif. Mais celui-ci tient davantage à la posture, volontairement provocatrice, qu'aux propositions - d'autant plus radicales qu'elles n'ont pas à être mises en oeuvre - qui appartiennent au même registre sécuritaire que celui de la majorité au pouvoir. Quant à « l'islamisation » absurde des problèmes de l'immigration, qui complaît assurément à une part de l'opinion, elle se voit dangereusement accompagnée par l'UMP au risque de transformer les militants du Front national en militants laïques ! Ce faisant, on oublie que les quartiers difficiles ne sont que le miroir grossissant des échecs de l'État, la remise en cause des mécanismes de notre État providence et le recentrage de l'État sur ses vrais métiers sont nécessaires.Au fond, dans le méchant procès fait par le Front national à l'UMP et au PS, il serait bien difficile de trouver quelques preuves de convictions mondialistes ultralibérales. En revanche, il existe assurément un décalage entre leurs promesses protectrices et les résultats. À gauche, c'est le constat désabusé d'un Lionel Jospin découvrant que « l'État ne peut pas tout ». À droite, c'est le décalage entre le très volontariste « tout est possible » de l'actuel président de la République et la réalité. Entre l'annonce du grand « retour de l'État » pour discipliner des marchés financiers irresponsables et la réalité d'un retour des marchés financiers pour discipliner les États irresponsables.Un tel décalage, contrairement aux affirmations du Front national, ne provient pas d'une insuffisance d'État et de volontarisme politique. Il est trop facile de dire : les lois de l'économie dérangent, il suffit d'en voter d'autres. Nos souffrances viennent de l'euro, revenons au franc. La mondialisation opprime, sortons de la mondialisation.La société de la connaissance et de la créativité remet justement en cause cette prétention à commander l'ensemble de la société depuis l'État. C'est ce que le philosophe autrichien, prix Nobel d'économie, Friedrich Hayek, a appelé la « présomption fatale ».Les échanges d'informations de techniques de capitaux de compétences se font à l'échelle de la planète. L'éclatement du savoir entraîne l'éclatement du pouvoir. Les marchés s'affranchissent des gouvernements et des États perdent leur pouvoir absolu. C'est pourquoi partout dans le monde aujourd'hui, le recentrage de l'État et la redistribution du pouvoir au profit des consommateurs et des entreprises sont à l'ordre du jour.C'est là une tendance lourde de la société qui dépasse les clivages politiques. Or la quasi-totalité de la classe politique s'inscrit à contre-courant de ce mouvement. Elle attise les peurs du nouveau monde. Pire, elle les instrumentalise, parce que ces peurs engendrent un besoin de sécurité qui permet à notre État providence désargenté de jouer les prolongations sécuritaires.En fait, dans son combat contre la « mondialisation ultralibérale », le Front national n'a pas de vrais adversaires. Ceux qui lui font face sont piégés. Négliger les peurs qu'exploite le Front national, c'est lui laisser le terrain libre. Y répondre par des politiques dirigistes, c'est prendre le risque de l'impuissance publique et frayer le chemin de la surenchère. Car le Front national sera toujours mieux-disant social, protectionniste et sécuritaire. En revanche, il lui serait difficile d'être mieux-disant libéral !
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