Fermer sa gueule ou démissionner ? Un ministre oui, un salarié non

Non un salarié n\'est pas obligé de se taire pour conserver son poste. Du moins, en théorie. Certes la récente et rapide mise à pied de la ministre de l’Ecologie Delphine Batho semble montrer que la célèbre formule lancée par Jean-Pierre Chevènement en 1983 “un ministre, ça ferme sa gueule ou ça démissionne” n’a rien perdu de son actualité. Mais le fait de se montrer publiquement en désaccord avec la politique de son entreprise n’est pas en soi un motif de renvoi pour un salarié. En entreprise, \"la liberté d\'expression est garantie et protégée\", explique ainsi à \"la Tribune\" Eric Rocheblave, avocat spécialiste en droit du travail.“La loyauté envers son employeur ne doit pas entraver la liberté d’expression du salarié”Alors oui, le salarié a une obligation de loyauté envers son employeur, mais en aucun cas celle-ci ne doit entraver sa liberté d’expression, protégée par l’article 1121-1 du code du Travail, poursuit l’avocat.Nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives de restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché, stipule l’article.Autrement dit, la situation de Delphine Batho n’aurait pas été transposable dans une entreprise lambda. L’employeur peut toutefois \"restreindre cette liberté d’expression si elle est proportionnelle au but recherché”, si la fonction du salarié le nécessite, reconnaît l’expert. Mais, de mémoire, ce cas de figure lui semble extrêmement rare. La justice semble en effet privilégier la liberté d\'expression.Tout dire ? Oui, sans abusSeul l’abus est interdit. Les termes injurieux, diffamatoires et excessifs sont dès lors passibles de sanctions. “L’employeur a la liberté de sanctionner ou non des faits et est libre de choisir la sanction”, précise Eric Rocheblave. Evidemment, les termes “excessifs” et la sanction restent à l’appréciation du juge en cas de contestation. Mais de récents arrêts ont montré que la justice avait plutôt tendance à protéger la liberté d’expression de l’employé. En témoigne un récent arrêt de la Cour de Cassation du 27 mars dernier. Un salarié avait ainsi été licencié pour avoir dénoncé des “décisions incohérentes et contradictoires qui compromettent la pérennité de l’entreprise”, en utilisant des termes tels que “désordre interne, détournement, abus d’autorité, conséquences financières et sociales désastreuses”. Mais la Cour de Cassation a donné raison à l’employé, cassant la décision de la Cour d’appel de Montpellier, en considérant que les termes employés n\'étaient ni injurieux, ni diffamatoires, ni excessifs. Conclusion: contrairement à un ministre, un salarié semble donc pouvoir en toute sécurité dénoncer la ligne politique de son patron, pourvu que ce soit avec modération. 
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