Toute toute première fois

Elle est souvent perçue comme la pasionaria du grand maître de la psychanalyse. Elle s'est illustrée, cette année encore, dans le combat contre Michel Onfray. Mais Élisabeth Roudinesco est d'abord une historienne qui défend son « sujet » avec l'intégrité et l'esprit critique d'une grande intellectuelle. Pour elle, Freud c'est « Darwin, Einstein ou Spinoza, c'est-à-dire un sujet planétaire et incontournable, toujours soumis à des débats enflammés ». La fille de Jenny Aubry, pionnière de la psychanalyse pour enfants, elle-même psychanalysée par Dolto à l'âge de 9 ans, réfute l'image que lui collent les médias de « gardienne du temple ». « Surtout un temple qui n'existe pas », plaisante-t-elle. Élève de Deleuze, amie de Derrida, ce sont ces philosophes qui l'ont amenée jusqu'à Freud. « Je ne l'ai pas lu dans mon adolescence. À l'époque je n'aimais que le cinéma américain et lisais Balzac et Dumas. » Mais la bibliothèque de sa maman, grande amie de Lacan, contient tout Freud. À 18 ans, elle plonge dans son « Léonard de Vinci », l'oeuvre la moins « psy ». « Je me suis intéressée à la psychanalyse à 22 ans, en 1966, au moment de la sortie des écrits de Lacan. À l'époque j'enseignais la littérature en Algérie. À mon retour à Paris, en 1967, je me suis inscrite en linguistique et j'ai pris conscience de l'importance des auteurs structuralistes. À chacune de leurs lignes j'y trouvais Freud. » C'est le déclic. Elle dévore toute son oeuvre. Sa recherche est lancée. En 1969, dans la revue « Action poétique », elle écrit son premier article intitulé « Une inscription de Freud dans l'histoire ». Si Élisabeth Roudinesco est devenue aussi psychanalyste, ce n'est pas le médecin qui l'a séduite dans la personnalité de Freud. « Mais l'intellectuel, le grand auteur incontournable, qui avait subverti la conscience. En philo on le commentait avec Nietzsche et Heidegger. J'aime son génie inventif, ses outrances incroyables. Il est l'homme des lumières des sombres. » C'est aussi le chef de file d'un mouvement qui la passionne au point de consacrer dix ans de sa vie (1982 à 1993) à l'écriture d'une oeuvre jamais égalée sur l'histoire de la psychanalyse en France. « J'ai établi les faits en tant qu'historienne. C'est le sujet qui m'a choisie. Comme Jacques le Goff avec Saint Louis. Chaque historien chemine avec des personnages, des auteurs. Je ne suis pas une spécialiste de Freud, mais de l'histoire de la psychanalyse », défend cette femme précise, animée d'une rigueur toute scientifique. Pour elle, Freud reste le héros de sa saga. Elle lui a consacré un film et n'exclut pas d'écrire un jour sa biographie. De quoi continuer de défendre ce qui réellement l'anime?: la liberté de penser.Sophie Péters? Demain?: Steve Kaplan, ma première découverte du pain parisien.
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