« Je ne suis pas un idéologue »

Michel Barnier, commissaire européen désignéVotre nomination au poste de commissaire européen au Marché intérieur et aux Services financiers suscite une vive polémique entre Paris et Londres. La City vous voit venir comme son fossoyeur?Je souhaite que tout le monde retrouve un peu le calme et la sérénité. Ce que je lis dans certains journaux britanniques n'a pas de sens. Je n'ai pas besoin qu'on m'explique l'importance de la City. Je partage l'avis du chancelier de l'Échiquier, Alistair Darling : une City forte, c'est l'intérêt de l'ensemble de l'Europe. Ma feuille de route est très claire : elle repose sur les décisions du G20 auxquelles Londres a largement contribué.Alistair Darling, justement, a dit qu'il allait vous inviter à Londres. Allez-vous y aller ?J'irai à Londres, bien sûr, si possible avant la fin de l'année. Comme j'irai à Madrid, Berlin, et dans les autres capitales européennes. Mais sur les relations franco-britanniques, il ne faut pas se tromper. J'ai entendu un jour le président de la République dire en Conseil des ministres son souhait de travailler avec Londres quels que soient les différends ou les polémiques. Il a une bonne entente avec Gordon Brown et je sais que ça continuera.Est-ce que votre nomination constitue, comme le présente Nicolas Sarkozy, le « triomphe » des idées françaises en matière de régulation ?Je n'ai pas envie de présenter les choses de cette manière-là. Je vais être commissaire européen et donc en charge collégialement, avec mes collègues, de l'intérêt général européen, dans lequel, naturellement, les idées françaises ont une valeur ajoutée. Mais il y a aussi l'expertise fondamentale du Royaume-Uni dans le domaine de l'intermédiation et dans d'autres secteurs financiers où la place de Londres est inégalée. Je vais m'appuyer sur toutes les intelligences. Je crois que toute rivalité à l'intérieur de l'Europe nous affaiblit vis-à-vis de l'extérieur. Je crois que les Anglais comme les Français comprennent que, pour affronter les défis de demain, notre intérêt est de mutualiser, plutôt que d'être chacun chez soi et chacun pour soi.Arrivez-vous à Bruxelles avec une idéologie ?Je ne suis pas un idéologue, mais quelqu'un de très pragmatique. Je vais utiliser tous les outils du marché intérieur auxquels tiennent tant les Anglais pour plus de croissance, de compétitivité et d'emploi.Mario Monti a été chargé de rédiger un rapport sur le marché intérieur. L'Italien considère que la coordination fiscale est une question essentielle. Partagez-vous ce point de vue ?Certains ont présenté cette mission qui lui a été confiée par José Manuel Barroso comme une manière de brider les Français et les Allemands. J'ai pour ma part beaucoup d'espoir et de confiance dans le travail qu'il va faire. La question fiscale est extrêmement difficile et peut faire l'objet d'ailleurs de certaines coopérations renforcées entre pays volontaires dans le cadre du traité de Lisbonne.C'est vous-même qui avez suggéré la nomination d'un Britannique au poste de directeur général du marché intérieur. Vous vous dotez volontairement d'un surveillant pour rassurer la City ?Non. Je l'ai déjà dit, je veux travailler avec tout le monde. Ayant déjà été commissaire, je sais la différence entre un commissaire et un directeur général. Les commissaires doivent avoir une valeur ajoutée politique, c'est leur mission. Quant à Jonathan Faull, à qui vous faites allusion, j'ai confiance en lui comme dans le directeur général actuel, Jörgen Holmquist. C'est un fonctionnaire respecté. J'ai donc indiqué au président Barroso que j'étais prêt à travailler avec un directeur général britannique. Je l'ai déjà fait comme commissaire de la Politique régionale et cela a bien marché entre nous. Propos recueillis par Yann-Antony Noghès, à Bruxelle
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