Cris et chuchotements autour du projet de loi sur l'emploi

Demain mardi 5 mars, une « journée interprofessionnelle unitaire » est organisée à l\'appel des confédérations CGT et FO, soutenues par la FSU et Solidaires (SUD,) contre la transposition dans la loi de l\'accord sur l\'emploi conclu le 11 janvier entre le patronat et les organisations CFDT, CFTC et CFE-CGC. Bernard Thibault (CGT) et Jean-Claude Mailly (FO), pourtant rarement sur la même longueur d\'ondes, tiennent, cette fois ci, à réussir leur démonstration de force contre un texte qu\'ils considèrent comme une « régression sociale ». A ce stade, les deux organisations tablent sur plus de 170 rassemblements et manifestations dans toute la France. Une grande manifestation est notamment prévue à Paris et des arrêts de travail devraient être observées dans les transports et l\'industrie. Bien entendu, la date du mouvement n\'a pas été choisie au hasard. Car c\'est le lendemain, mercredi 6 mars, que le projet de loi reprenant l\'accord sera examiné en Conseil des ministres.Procédure d\'urgence au ParlementEnsuite, le ministre du Travail Michel Sapin souhaite que les choses aillent vite. Le texte sera examiné dès le mois d\'avril par le Parlement avec la procédure d\'urgence (une seule lecture par les deux assemblées) de manière à parvenir à une promulgation dès la fin mai. Ce texte sur l\'emploi entraîne une double ligne de fracture : syndicale, avec un affrontement qui va grandissant entre la CGT et la CFDT, et politique, avec le Front de gauche qui compte affronter les socialistes au Parlement sur le projet de loi.Guerre syndicaleDu côté des syndicats, la tension monte. Les organisations se livrent à une véritable guerre de communiqués, tracts et autres liens sur le Net pour dire tout le mal ou tout le bien qu\'elles pensent du texte du 11 janvier. FO et la CGT estiment même que l\'accord sur l\'emploi serait contraire sur plusieurs points à des conventions de l\'Organisation internationale du travail (notamment sur la question de la hiérarchie des normes), ce que conteste la CFDT. Laurent Berger, son secrétaire général intervenant ce 4 mars sur i Télé a d\'ailleurs déclaré : « il faudra le prouver, il ne suffit pas de lancer des slogans ». Les deux organisations non signataires ne se gênent pas non plus pour dire que l\'accord est minoritaire. Un argument repris par plusieurs parlementaires du Front de gauche... voire par des députés de l\'aile gauche du PS.Accord majoritaire ou minoritaire ?Sur ce point, il y a deux lectures possibles. Si l\'on retient la règle en vigueur jusqu\'ici pour déterminer si un accord national interprofessionnel est majoritaire ou non, il convient d\'additionner le nombre d\'organisations syndicales qui l\'ont signé : en l\'occurrence, trois sur cinq. L\'accord n\'est donc pas minoritaire. Mais, problème, c\'est justement en 2013 que les nouvelles règles régissant la représentativité syndicale (adoptées en 2008) vont totalement entrer en application. Désormais, pour être majoritaire, un accord national doit être signé par des organisations représentant au moins 30% des salariés. Un pourcentage qui s\'apprécie en additionnant les résultats obtenus par les syndicats dans, d\'une part, les diverses élections des comités d\'entreprise (ou des délégués du personnel) de toutes les branches et, d\'autre part, lors de l\'élection de représentativité dans les TPE. Or, ces résultats ne sont pas encore connus... Ils devaient l\'être au printemps mais, vu le contexte, le ministère du Travail préférera sans doute attendre l\'été. En effet, il n\'est pas certain que la CFDT, la CFTC et la CFE-CGC dépassent le cap des 30%...Lobbying à l\'AssembléeLa guerre du lobbying aussi fait rage. Chacun à leur tour, Laurent Berger, Bernard Thibault, Jean-Claude Mailly et Laurence Parisot sont allés livrer leur appréciation sur l\'accord devant les députés PS. CGT et FO plaidant pour le dépôt de nombreux amendements pour en corriger le contenu. A l\'inverse, Medef et CFDT ont demandé aux parlementaires de ne pas toucher à l\'équilibre du texte. Ils ont reçu ce week end l\'appui d\'une centaine de parlementaires socialistes, qui, dans les colonnes du « Journal du dimanche » ont lancé un appel au maintien en l\'état de l\'accord au nom de « la démocratie sociale ». Le rapporteur du texte, Jean-Marc Germain, un proche de Marine Aubry (qui, selon nos informations trouve l\'accord perfectible sur de nombreux points) - il était son directeur de cabinet au Parti socialiste et à la mairie de Lille - va devoir jouer les équilibristes. Mais, déjà, avec le cabinet de Michel Sapin, il a su compléter l\'accord sur des points restés en suspens. Par exemple sur la nomination des représentants salariés dans les conseil d\'administration. Reste à savoir qu\'elle va être l\'attitude de l\'aile gauche du PS pendant le débat parlementaire. Va-t-elle mener une importante bataille d\'amendements ? Michel Sapin et Bruno le Roux, président du groupe PS à l\'assemblée, se sont employés à déminer le terrain. On verra le résultat.Le Front de gauche à la manœuvreEn revanche, du côté du Front de gauche, on promet une guérilla intensive. André Chassaigne, président du groupe Front de gauche à l\'Assemblée, évoque « des centaines d\'amendements » pour détricoter le texte « article par article »... Certains de ces amendements ont d\'ailleurs été préparés par l\'ancien inspecteur du travail vedette, Gérard Filoche. Même si le Front de Gauche ne se fait aucune illusion sur le vote in fine du projet de loi (la majorité PS, disposera en plus des renforts d\'une partie de l\'UDI et de... l\'UMP), son objectif est de énoncer une fois encore la politique menée par le gouvernement de Jean-Marc Ayrault qui serait nuisible aux intérêts des salariés. Un texte emblématique donc et très clivant, entre ceux qui estiment que la loi doit continuer de primer et ceux qui donnent la priorité au contrat.... 
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