La libération des camps caméra au poing

« Plan moyen sur la porte fermée menant à la chambre à gaz. Remarquer pancarte au-dessus de la porte ?Brausebad? (douches). Remarquer que rien ne permet d'ouvrir les portes de l'intérieur. [...] Plan moyen par la porte vers les fausses pommes de douche du plafond. » Voici un extrait des méticuleux rapports de tournage que les reporters de l'armée américaine devaient remettre à leurs supérieurs lorsqu'ils filmaient la libération des camps nazis. Les États-Unis ne voulaient rien négliger. D'abord pour garantir la possible qualification comme preuve devant un tribunal (celui de Nuremberg, notamment) des images filmées. Ensuite, pour convaincre les Américains qui, longtemps, n'ont pas cru aux « histoires » de meurtres de masse de juifs par les nazis. C'est toute cette démarche quasi scientifique que présente une très intéressante exposition « Filmer les camps », visible au Mémorial de la Shoah à Paris. Le commissaire de l'exposition Christian Delage, historien et réalisateur, nous invite à suivre le quotidien de trois réalisateurs de ces images de la libération des camps. Et pas des moindres puisqu'il s'agit de John Ford, Samuel Fuller et George Stevens. Ford, déjà célèbre, est réserviste dans la Marine et intégrera en 1941 la Field Photographic Branch (FPB). Stevens aussi est une star. À son actif, avant guerre, des comédies avec Fred Astaire et Ginger Rogers. Pendant le conflit, il dirige une équipe de cameramen, la Special Coverage Unit (Specou), qui filmera la libération du camp de Dachau. Fuller, lui, est un « vrai » soldat, engagé en 1942 dans la première division d'infanterie de l'armée américaine, la « Big Red One ». Reporter avant guerre dans la presse tabloïd, il demande à sa mère de lui envoyer une caméra. Son capitaine lui commande alors de filmer la libération du camp de Fallkenau.La découverte des crimes nazis a bouleversé les trois réalisateurs. « Ils savaient ce que c'était de voir tomber les copains sous les balles. Mais ce n'était pas la même chose de découvrir un camp », précise Christian Delage. Les images du camp de Dachau sont présentées dans l'ordre chronologique du tournage, accompagnées par les fiches que les opérateurs remplissaient. Des extraits de ces récits, lus par Mathieu Amalric, ont été placés en commentaires. Car cette exposition croise habilement son, films, textes et photographies (parfois très dures), pour solliciter tous les sens du visiteur. À noter qu'un cycle de films et de rencontres (« le Journal d'Anne Frank », « Au-delà de la gloire », etc.) est organisé durant toute la tenue de l'exposition.Jean-Christophe Chanut« Filmer les camps », du 10 mars au 31 août. Mémorial de la Shoah, 17, rue Geoffroy-l'Asnier, 75004 Paris. Renseignements : www.memorialdelashoah.org
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