Encore une expérience ratée en Grande-Bretagne

La politique britannique a toujours constitué un laboratoire d'expériences. Dans les années 1970, c'est au Royaume-Uni que le grand modèle keynésien de la demande périclite. Et, aujourd'hui, sous les couleurs du New Labour, le parti de la « régulation allégée » vient de signer un échec.Dans les années 1960, les bons chiffres de l'emploi et des salaires ont entretenu l'illusion d'un système qui profite à tous. Mais le keynésianisme demande de recourir en permanence à l'expansion fiscale. En 1974, le gouvernement conservateur d'Edward Heath et le puissant syndicat des mineurs s'enferment dans une épreuve de force. Heath tombe dans l'impopularité, sans que ses opposants du Labour gagnent en crédibilité. Et le parti des démocrates libéraux (centre) hésite à mêler leur destin à celui d'un politicien tombé dans l'impopularité, malgré les promesses d'une réforme de la loi électorale en leur faveur. L'Angleterre d'aujourd'hui rappelle celle de 1974. Il y a toujours un immense problème économique, la fin du boom du crédit et une menace qui pèse sur les banques. Les deux principaux partis politiques ont l'air fatigué, tout en se démenant beaucoup pour s'imiter l'un l'autre. Le choix qu'ils offrent aux électeurs n'est pas motivant. Il existe également quelques similitudes - inquiétantes - avec l'Italie de 1992, empêtrée dans les malversations et la déroute intellectuelle des chrétiens-démocrates et des communistes, les deux grands partis du pays, avant qu'ils ne disparaissent de la scène politique.Durant le boom des années 2000, ou celui des années 1960, chacun pensait que l'on pouvait perpétuellement vivre à crédit. Dans les années 1960, c'était les mesures fiscales anticycliques qui étaient censées faire la prospérité de tous. Dans les années 2000, les individus s'endettaient à la place des États. La magie des marchés rendait possible le processus d'individualisation de l'emprunt et de la consommation. Et, comme dans la débâcle des années 1970, il n'est pas très difficile de comprendre comment le dernier boom a pu profiter à tout le monde : les propriétaires ont vu monter le prix des maisons, les prestations sociales ont augmenté et les gens se sont sentis soulevés par le mouvement « cool Britannia, » une sorte de « revival » des « sixties ».Mais, aujourd'hui comme hier, l'avenir de l'Angleterre reste déprimant. Des changements d'envergure s'imposent, mais vu qu'il est dur d'en appeler aux sacrifices avant une élection, les principaux partis répugnent à se pencher sur les problèmes de leur pays. Et comme le programme du Parti travailliste au pouvoir et celui des tories dans l'opposition ne se distinguent pas clairement l'un de l'autre, ils ont du mal à se démarquer des démocrates libéraux. Les deux principaux partis recherchent le soutien des centristes, mais jamais ils n'auront la force de persuasion d'un parti réellement situé au centre et épargné par les scandales qui s'attachent à l'exercice du pouvoir.L'issue de cette bataille électorale s'annonce plutôt favorable aux démocrates libéraux. Sur les plateaux de télévision et en campagne, leur chef éclipse ses adversaires du Parti conservateur et du Labour. D'ailleurs, ceux-ci sont pris au piège : au moindre désaccord avec les démocrates libéraux, ils risquent de se faire taxer d'extrémisme et de perdre le soutien de leurs électeurs.Mais le désir de modération empiète sur la volonté de réforme dont la Grande-Bretagne aurait besoin. Et il est normal de voir les marchés des changes envisager la perspective d'un Parlement sans majorité nette, et sans solution claire à la crise, comme une répétition de ce qui s'est produit au milieu des années 1970. nPoint de vue Harold James Professeur d'histoire à Princeton et à l'European University Institute de Florence
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