L'Argentine ouvre les yeux sur son passé

Détenteur de l'oscar du meilleur film étranger, du Goya (l'équivalent espagnol de nos césars) du meilleur film hispano-­américain et plus récemment du Grand Prix du Festival du film policier de Beaune, l'hispano-argentin « Dans ses yeux » n'en finit plus de faire des émules. Champion du box-office espagnol et argentin, le dernier film de Juan José Campanella a aussi conquis le public américain. Et il ne serait pas étonnant que ­cette adaptation du roman policier d'Eduardo Sacheri « La Pregunta de Sus Ojos » remplisse les salles françaises.Affaire classéeEn 1974, à Buenos Aires, le greffier Benjamin Esposito enquête sur le meurtre violent d'une jeune femme. Mais l'affaire considérée comme « classée » l'obsède encore vingt-cinq ans plus tard. Au point qu'il décide d'en faire un roman. L'occasion de se souvenir d'Irène, son ancienne collègue de travail dont il a toujours été amoureux. Benjamin se plonge alors dans son passé, dans le climat sombre et étouffant d'une Argentine sous le joug de la dictature.L'efficacité du bon film noirMalgré une mise en scène des plus académiques, quelque peu figée, ce thriller, construit sous la forme de flash-back récurrents, mêle romance, mélodrame et politique avec l'efficacité d'un bon vieux film noir. Le duo Ricardo Darin-­Soledad Villamil (Goya de la meilleure révélation féminine) nous intrigue et nous agace mais surtout nous captive par son histoire d'amour inachevée. Sans parler des comédiens. Guillermo Francella, acteur comique ultra-populaire en Argentine, en a étonné plus d'un dans son rôle de juriste alcoolique.Mais ce qui fait la force du film c'est avant tout son histoire. Plus qu'une enquête policière, c'est une rétrospective sur l'histoire de l'Argentine. Bien que l'intrigue ne tourne pas autour des conflits politiques qui ont pu agiter le pays à l'époque, la pression et l'atmosphère asphyxiante se ressentent pour donner un cachet particulier à l'oeuvre de Juan José Campanella. Et rappellent que, en ces années noires, on pouvait facilement se perdre dans les méandres du système judiciaire, et qu'il était difficile d'oser transgresser les codes sociaux pour vivre une histoire d'amour. Sombres années 1970. L'enquête policière, rouverte vingt-cinq ans après, est une jolie métaphore de la situation du pays. Tout comme Ricardo, l'Argentine n'oublie pas son passé et se reconstruit.
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