On a commencé à en entendre parler dès le printemps 2009. « Un roman français » de Frédéric Beigbeder s'annonçait déjà comme le livre phare de la dernière rentrée littéraire. Il aurait ensuite fallu être sourd pour échapper au tapage médiatique qui a accompagné sa sortie jusqu'à l'attribution du Renaudot. Aujourd'hui qu'en reste-t-il?? Incontestablement, une oeuvre bouleversante bien plus profonde que ne le laissait entendre son pitch, servie par une écriture magnifique.La genèse du roman laissait pourtant craindre le pire. Arrêté par la police pour avoir sniffé de la coke sur le capot d'une voiture, Frédéric Beigbeder est déféré au dépôt sur l'île de la Cité à Paris. Alors, pour survivre à cette expérience traumatisante et dégradante, pour comprendre aussi comment il en est arrivé là, le romancier décide de se replonger dans son passé. Sauf que pratiquement plus rien ne lui vient à la mémoire.N'allez surtout pas imaginer qu'il s'agit là de la énième biographie d'un pauvre « pipole » pleurant sur son sort. Beigbeder ne se fait pas de cadeau. Son roman, dont le titre n'a rien d'une posture présomptueuse, est bien plus profond que cela. Car à travers les souvenirs qu'il s'en va racler au fond de sa mémoire - l'attitude de ses grands-parents pendant la guerre, le divorce de ses parents -, c'est la France de Giscard des années 1970 que l'écrivain raconte, mais aussi la nôtre. Celle d'une nation obsédée par son confort pendant les Trente Glorieuses, qui allait ensuite accoucher d'une société vautrée dans la consommation, sa seule perspective d'avenir. Frédéric Beigbeder livre des pages très belles (notamment sur sa relation avec son frère Charles), portée par une écriture à l'élégance classique mais néanmoins contemporaine. Il compare ainsi les fumeuses dont le visage est éclairé par un briquet, aux tableaux de Georges de La Tour. Et n'hésite pas à citer Proust autant que Michael Scofield, le héros de la série télé « Prison Break ». Nul doute que ce roman restera. Y. Y. « Un roman français », Grasset, 288 pages, 18 euros.

latribune.fr

04 Août 2010, 23:27

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