La contrainte cachée de Trichet

Prudent, forcément prudent ! Jean-Claude Trichet n'a déçu, jeudi, ni ses thuriféraires... ni ses détracteurs. Le président de la Banque centrale européenne (BCE), lors de son rendez-vous mensuel, ne s'est pas départi des limites étroites qu'il impose à sa politique. À peine Ben Bernanke, le patron de la Réserve fédérale, recourt-il à la planche à billets pour sortir l'économie américaine du marasme, que le président de la BCE prône pour la zone euro tout le contraire. Le premier se lance dans une nouvelle phase d'assouplissement monétaire quantitatif (le « QE 2 » des Anglo-Saxons) ; le second insiste sur le fait que les mesures non conventionnelles qu'il a concédées au plus fort de la crise, sont « temporaires ». L'Américain accepte sans barguigner de laisser filer le dollar ; l'Européen sait que ses choix ne freineront pas l'ascension, dommageable, de l'euro. Bref, alors que Ben Bernanke prend délibérément le risque de créer une nouvelle bulle financière pour écarter tout risque de déflation aux États-Unis, ce que les marchés ont immédiatement salué, Jean-Claude Trichet surjoue son rôle de père la rigueur. Il a réitéré jeudi son désir de voir sanctionner « automatiquement » les États membres de la zone euro en déficits excessifs. Et s'est félicité du nouveau plan irlandais d'extrême rigueur, adopté hier. Plus que jamais, l'écart séparant les deux rives de l'Atlantique se creuse : au Nouveau Monde, la potion magique ; au Vieux Continent, l'huile de foie de morue. Mais ce grand écart n'est pas qu'affaire de thérapie. Il est aussi le reflet de deux donnes monétaires, diamétralement opposées. Depuis John Connally, secrétaire au Trésor américain des années 70, on sait que le dollar est « leur monnaie, mais notre problème ». Depuis la crise de la dette grecque, on sait, en revanche, que l'euro doit encore prouver, sur le long terme, sa viabilité. La crédibilité de la monnaie unique impose une « surprime » de rigueur que, faute de convergence des politiques économiques des pays membres, la Banque centrale européenne est seule à assurer. Trichet ne saurait tricher... [email protected] GayDirecteur adjoint de la rédaction
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