Matisse-Rodin, dialogue sur la jubilation des corps

musée Ils avaient en commun l'amour du corps. Celui de la femme. Dans sa volupté, dans son désir. Rodin (1840-1917), l'aîné, à travers la griffe qui pénètre la chair. Matisse (1869-1954), l'héritier, par la caresse sensuelle et enivrante. Deux artistes que Nadine Lehni rapproche dans une exposition au musée Rodin à Paris, qui montre affinités et ressemblance entre eux.Tout commence par une rencontre, presque ratée. Décevante. Jeune peintre, Matisse vient montrer au maître de 30 ans son aîné, ses dessins. Sans élégance, celui-ci lui conseille de s'améliorer, d'être plus précis. Matisse, qui commence à sculpter, n'apprécie pas. Ils ne se reverront plus. Mais l'?uvre de Rodin chemine dans la pensée de Matisse. Inconsciemment, sans doute. Mais surtout par admiration. D'ailleurs, il achète chez Vollard un plâtre original de Rodin, le « Buste d'Henri Rochefort », qu'il dessinera.Au-delà de cette anecdote, Matisse et Rodin parlent le même langage, celui de la sensualité. Ils ont la même approche du modèle féminin. Il suffit de voir leurs dessins respectifs face à face pour s'en rendre compte. Rodin dessine, si l'on peut dire, à l'émotion, d'instinct. Son regard, seul, dicte son geste. Il ne regarde que le modèle, jamais le dessin. D'où ces traces voluptueuses qui disent l'essentiel de la féminité, du mouvement. Matisse lui répond en écho avec presque le même geste, la même attention aux formes. Gémellité qui éclate au grand jour lorsqu'ils s'intéressent chacun à la danse. À travers des petites sculptures en plâtre, Rodin pratique comme une chorégraphie du mouvement. Mouvement poussé à l'extrême de ses possibilités. Matisse lui répond avec un langage identique, d'une audace rarement atteinte.érotisme libératoireIl y a chez eux, dans une sculpture qui recherche plus l'extase que la perfection, une véritable jubilation des corps. Un érotisme libératoire. Le peu de temps que Matisse sculptera, jusqu'à la fin des années 1930, il n'abandonnera jamais ce langage. Il le poussera même à l'extrême. Toujours sur le fil d'un déséquilibre, d'un abandon, qui préfigure toute la sculpture contemporaine.Rodin n'hésite pas à laisser la trace de ses repentirs, de ses mouvements brusques, sur ses ?uvres, traces de doigts, de toiles, matières vivantes qui façonnent la sculpture. Matisse le suit dans cette démarche, qui mènera un jour à l'abstraction. Et lorsque Matisse abandonne la sculpture, il la prolonge par le papier découpé et collé sur la toile. Ainsi se termine, dans ce parcours, cette rencontre entre Rodin et Matisse, par une ?uvre qui réunit sculpture et peinture. Gestes, formes, mouvements. Un miroir pour les deux artistes. n Musée Rodin. Tél. : 01.44.18.61.58. Jusqu'au 28 février.
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