Crise de l'euro (3) : la dette, « subprimes » de l'Europe

La crise de la dette publique européenne est la réplique de celle de l'immobilier américain, qui a frappé il y a trois ans. Ménages aux États-Unis, États en Europe, chaque continent a développé une variante locale de l'hyperendettement. La troisième et dernière étape de cette crise planétaire devrait être asiatique. Chinoise en particulier.Pour la plupart des responsables économiques et financiers européens, la cause est entendue : la crise dont nous sortons est un mal venu d'Amérique. Et c'est vrai que les premières fièvres sont venues d'outre-Atlantique, en 2007 et 2008, avec la crise des subprimes. De très nombreux prêts immobiliers avaient été consentis à des emprunteurs insolvables. Ces créances non recouvrables, titrisées auprès d'investisseurs du monde entier, se sont traduites par des centaines de milliards de pertes, nécessitant l'intervention des États pour rétablir la confiance dans le système bancaire international.Le désastre des subprimes n'était pourtant que la première étape d'une crise beaucoup plus vaste. Aux États-Unis, les ménages sont les agents les plus endettés, avec des engagements qui représentaient en 2007 plus d'une fois et demie leur revenu annuel. C'est donc là, au point le plus vulnérable, que la crise s'est fait jour. L'extraordinaire emballement du crédit aux particuliers avait été accru par les politiques fédérales, qui souhaitaient étendre le bénéfice de la propriété immobilière aux catégories sociales les plus pauvres. Et par les pratiques bancaires de 2004 à 2006, avec les « mortgage equity withdrawal », qui permettaient aux propriétaires de contracter de nouveaux prêts à la consommation à mesure que la valeur de leur logement progressait. Les mêmes mécanismes ont joué au Royaume-Uni.L'Europe continentale, elle, a résisté à ces sirènes. En apparence. L'endettement des ménages français a bien progressé, mais pour atteindre 50 % du PIB seulement en 2008, c'est-à-dire 70 % du revenu annuel. Deux fois moins qu'aux États-Unis. En Allemagne, les chiffres sont encore plus faibles. Mais chez nous, la folie de l'endettement a été « collectivisée », conformément aux habitudes de pays où l'État providence joue un rôle central. Comme aux États-Unis, c'est l'argent facile et le très faible niveau des taux d'intérêt qui a donné l'illusion d'un endettement sans limites. Et l'union monétaire européenne a encore accru ce sentiment de liberté, notamment dans les pays d'Europe du Sud, qui ont vu leur prime de risque sur les marchés financiers disparaître brutalement. Inutile de dire que ces capitales en ont fait le plus mauvais usage qui soit, en détériorant leur déficit structurel. C'était d'autant plus tentant qu'elles ne pouvaient plus dévaluer leur devise pour se rétablir, comme elles le pratiquaient auparavant. Une échappatoire en a remplacé une autre : l'endettement s'est substitué à la dévaluation. La France, par exemple, a financé à crédit les allégements de charges sur le travail, là où elle aurait laissé filer le franc auparavant.La récession a détérioré le solde public des États continentaux, avec les dépenses de relance et, plus encore, le manque à gagner de recettes fiscales que la récession a provoqué. Selon l'économiste Kenneth Rogoff, une crise financière et bancaire se traduit en moyenne par une progression de la dette de 85 % ! Nous n'en sommes pas encore là, mais la route est tracée. C'est la raison de la crise de l'euro que nous connaissons aujourd'hui, où se mêlent effets de la récession, conséquences du laxisme budgétaire et déficiences de l'union monétaire elle-même.Subprimes et déconfiture de l'euro sont donc deux chapitres de la même histoire, l'extraordinaire cycle de surendettement mondial qui a débuté dans les années 1980, s'est aggravé dans les années 1990 et est devenu hors de contrôle dans les années 2000. Une histoire trentenaire que chaque continent a adaptée avec ses particularismes et ses coutumes locales...Reste évidemment l'Asie, qui caracole et semble immunisée contre la maladie de la dette. C'est bien sûr une illusion. Il faut d'abord noter que le Japon a été le premier pays à connaître l'explosion de la bulle spéculative, en décembre 1989, et qu'il l'a payé avec le triplement de sa dette publique, frôlant aujourd'hui les 200 % du PIB. Quant à la Chine, l'heure de l'explication s'approche. Voilà plusieurs années que le taux d'investissement dépasse 40 % du PIB, ce qui s'est fait au prix d'un gâchis de ressources considérables. Et la débauche de crédits qui a littéralement noyé l'économie chinoise en 2009 ? les effets du plan de relance ? prépare des monceaux de créances douteuses qu'il faudra purger un jour. Les ménages américains, les États européens, et bientôt les entreprises chinoises : le troisième et dernier chapitre de la crise mondiale de l'endettement est en train de s'écrire. nPoint de vue françois lenglet rédacteur en chef à « La Tribune »
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