La gestion européenne forcée de revoir son modèle économique

Malgré la crise, « l'industrie européenne de la gestion d'actifs reste encore profitable », note Aymeric Poizot, responsable de la notation des fonds et sociétés de gestion pour l'Europe et l'Asie chez Fitch Ratings. Le spécialiste tient toutefois à préciser que ses perspectives de croissance sont plus faibles que par le passé et que le « cost cutting » continuera, même si les marges de manoeuvre en la matière se réduisent. Par ailleurs, c'est une industrie à coûts fixes et très dépendante des marchés d'actions car elle est adossée aux stocks et non aux flux. Et sur les trois dernières années, les flux nets sur les fonds actions sont négatifs, tout comme les fonds obligataires. à l'inverse, les flux sur les fonds monétaires sont positifs sur trois ans, preuve d'une aversion pour le risque des investisseurs. La contrepartie est une baisse des revenus, cette classe d'actifs n'étant pas très rémunératrice. « Aujourd'hui, toute la difficulté de la gestion d'actifs en Europe est de trouver des moteurs de croissance endogène, indépendamment des performances du marché, indique Aymeric Poizot. L'industrie est toujours sous pression. » D'ailleurs, l'agence de notation a intitulé sa dernière conférence sur la gestion d'actifs européenne : « une industrie sous pression ». Pour faire face aux défis, Fitch Ratings a identifié « cinq bonnes pratiques pour les années à venir qui feront la différence », déjà mises en oeuvre partiellement par certaines sociétés.La crise a mis à mal certains business model. « Les acteurs doivent se focaliser sur la croissance qui doit s'intégrer dans une offre globale de services, de gestion du risque, dans un environnement réglementaire qui change », estime Charlotte Quiniou, analyste fonds et sociétés de gestion chez Fitch Ratings. La question est de savoir si la société de gestion est bien positionnée notamment en termes d'offres produits. Sur ce point, rationaliser la gamme est indispensable, ce que la directive UCITS 4 facilitera. Cela passe aussi par l'innovation, qui doit répondre à une demande bien ciblée d'où l'importance du « market timing ». Il faut aussi optimiser le modèle opérationnel en industrialisant le processus, fractionnant la chaîne de valeur en confiant à des tiers des tâches qui ne sont pas coeur de métier et revoir la structure de calcul des frais. L'infrastructure complète le business model. Elle doit être flexible et s'adapter rapidement aux changements réglementaires, d'environnement. Pendant la dernière décennie, les acteurs ont industrialisé les flux. Aujourd'hui, il s'agit d'industrialiser l'accès, le traitement et la diffusion de l'information pour connaître, par exemple, l'exposition transversale sur tel actif, telle zone géographique ou telle contrepartie de manière instantanée. Au niveau des gestions elles-mêmes, l'information est abondante mais « reste à savoir ce que l'on fait de ces données, comment les traiter efficacement », s'interroge Aymeric Poizot. Les sociétés de gestion, qui multiplient les sources d'information et la traitent de manière systématique pour éviter de prendre des décisions sur du « bruit », ont un avantage concurrentiel. Lequel se retrouve dans la prise de décision, reposant sur le traitement quantitatif et qualitatif des données. Sans oublier le processus d'investissement. Comprendre la performance est tout aussi important. Pour cela, les gérants utilisent des outils d'attribution de performance, de style et de risque. L'enjeu est de rendre ces outils utiles en interne - ils étaient historiquement utilisés à des fins de reporting client - et facilement accessibles, sans tomber dans l'excès d'un suivi trop fréquent. Une meilleure organisation nécessite une gestion et un contrôle du risque renforcés. Mais toutes les maisons ne sont pas dotées d'un « chief risk officer ». Or, aujourd'hui, anticiper les événements improbables est devenu un sujet central pour les sociétés.conflits d'intérêt « La gouvernance est essentielle pour remettre l'investisseur au centre des préoccupations », indique Charlotte Quiniou. La gestion d'actifs est une prestation de services pour compte de tiers. La structure opérationnelle des sociétés doit être efficiente, capable de prévenir les conflits d'intérêt. Améliorer la gouvernance au niveau des sociétés de gestion mais aussi des fonds avec un mécanisme de surveillance indépendant, véritable contre-pouvoir au gérant.Enfin, il s'agit d'aligner les intérêts du gérant sur ceux des investisseurs, notamment sur la question des frais de performance. Ainsi, le fonds de pension Calpers a instauré des « clow-backs » (mécanisme de restitution), d'autres ont différé le paiement des frais en cas de non résultat. De même, le conseil en investissement et en allocation ne doit pas être pollué par des considérations de revenus.
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