Vent mauvais pour l'éolien français

La France a toujours raté les virages. » Tel est le jugement sans appel de Jérôme Billerey. Aujourd'hui à la tête d'Aérowatt;rowatt, l'un des acteurs français de l'éolien, il travaille dans les énergies renouvelables depuis 1981. « Je revis la même chose qu'au début des années 1980, puis 90 », poursuit-il en référence au rapport parlementaire Ollier sur l'éolien rendu public le 30 mars et au vote, le même jour, des recommandations par la Commission parlementaire des affaires économiques et par celle du développement durable. Celles-ci prévoient, pour les fermes éoliennes, un plancher de 15 MW à 20 MW, soit au moins 5 voire 6 éoliennes ; un minimum de 500 mètres de distance des habitations ; l'élaboration de schémas régionaux prescriptifs déterminant les territoires éligibles ; la soumission à un régime simplifié des ICPE (installations classées pour l'environnement), également à venir ; et la constitution de provisions pour démantèlement. Pour Jérôme Billerey, imposer un seuil plancher, officiellement pour éviter un mitage du paysage, c'est « méconnaître la réalité des régions françaises, dont les deux tiers ne pourront accueillir des fermes de cette taille. » Un avis que partage Henri Ducret, directeur général de la branche énergie France pour GDF-Suez. « Dans certaines régions, non-mitage équivaut à non-développement ». L'entreprise produit actuellement 7.000 MW d'énergie dont 600 MW d'éolien (environ 13 % de part de marché) répartis en 40 parcs. Via sa filiale la Compagnie du Vent, GDF Suez est à la tête du projet offshore « probablement le plus avancé de France aujourd'hui » : 141 éoliennes à 14 kilomètres au large de la Somme et de la Seine-Maritime pour plus de 700 MW. Mais c'est sur terre que se situent ses plus gros projets, en ligne avec les objectifs du Grenelle, qui visent une production éolienne de 25.000 MW en 2020, dont 19.000 à terre. « En tant qu'industriel, j'aimerais que les règles ne changent pas tous les jours », souligne Henri Ducret.protectionnisme vertC'est surtout la question des schémas régionaux qui inquiète. « Ils risquent d'être longs à élaborer, et d'entraîner un gel des projets », redoute Henri Ducret. Une crainte partagée par André Antolini, président du syndicat des énergies renouvelables (SER). « Si l'état ne fait pas son travail, c'est toute la profession qui sera pénalisée, s'emporte-t-il. Des PME vont être en difficulté, alors que la filière emploie actuellement 10.000 personnes, crée 2.000 emplois par an et pourrait en représenter 60.000 en 2020 ». L'étude commandée à Capgemini par le SER et l'Ademe, présentée le 31 mars, évoque aussi un potentiel de 20 à 30 milliards d'investissements privés cumulés entre 2010 et 2020.Pour Nicolas Rochon, gérant à la Financière Champlain, le vrai sujet du rapport, c'est l'avènement d'un protectionnisme vert. Et de citer ce passage : « La mission souhaite une forte présence de la recherche et de l'industrie dans le domaine des ressources marines et notamment l'éolien offshore afin de fédérer ce qui devra constituer, à terme, une filière française compétitive ». Il y voit une volonté de basculer vers l'éolien offshore. Sur ce secteur pas encore mature, à l'inverse de l'éolien terrestre, certains groupes français pourraient concquérir une part de marché significative. Areva, par exemple, a pris ces dernières années des parts dans plusieurs sociétés du secteur. L'existence d'un marché domestique permettrait aussi aux Français d'être compétitifs à l'international, précise Nicolas Rochon. Et éviterait à la France la situation subie par l'Allemagne dans le solaire, dont les contribuables financent des emplois chinois...
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