Michèle Alliot-Marie espère encore servir

Peu importe que le Conseil d'État ait émis des réserves sur la constitutionnalité du texte, c'est sans état d'âme que la garde des Sceaux va défendre ce mardi à l'Assemblée le projet interdisant le port de la burqa en public. Il est vrai que le PS lui a facilité la tâche en annonçant qu'il ne ferait pas obstacle au vote de la loi.C'est peut-être la dernière réforme que Michèle Alliot-Marie portera comme ministre de la Justice. Voire comme ministre tout court. L'ancienne présidente du RPR fera-t-elle en effet partie de la nouvelle équipe « resserrée » promise par Nicolas Sarkozy?? Évidemment, avec ses tailleurs stricts, son style guindé et ses sempiternelles références à la grandeur gaulliste, celle qui a été de tous les gouvernements depuis 2002 n'incarne pas vraiment le renouveau ni la modernité. Justement, c'est sa force au moment où le chef de l'État veut des valeurs sûres pour faire oublier les conflits d'intérêts d'Éric Woerth, les avions privés d'Alain Joyandet ou les cigares de Christian Blanc. Même si elle n'a jamais manifesté outre mesure sa fougue sarkozyste, les militants UMP l'apprécient et les candidats la sollicitent toujours pour leurs meetings. Après un quart de siècle de vie publique, à 64 ans, elle possède d'ailleurs la meilleure « cote d'avenir » parmi les électeurs de droite devant Christine Lagarde, Jean-Louis Borloo et Jean-François Copé selon le dernier baromètre TNS-Sofres de juillet.Alliot-Marie peut se targuer d'avoir fait oublier le désastreux passage de la protégée du président, Rachida Dati, à la Justice. À preuve, les syndicats de magistrats ne sont plus vent debout contre leur ministre. Comme garde des Sceaux, elle a également réussi jusque-là à ne pas être éclaboussée par la mise en cause du parquet dans l'affaire Bettencourt. « Je n'ai aucune envie de quitter le ministère de la Justice. Il me reste encore beaucoup de choses à achever », lâche-t-elle après un peu plus d'un an place Vendôme. Il reste en particulier la réforme de la procédure pénale annoncée par Nicolas Sarkozy début 2009, mais que le président semble juger désormais préférable de renvoyer à des jours meilleurs. Déjà, en juin 2009, elle ne souhaitait pas quitter l'Intérieur pour laisser la place à Brice Hortefeux qui piaffait depuis des mois pour obtenir ce portefeuille.Michèle Alliot-Marie aurait pourtant mauvaise grâce à trop se plaindre. La Défense, l'Intérieur puis la Justice avec titre de ministre d'État?: beaucoup de politiques aimeraient s'être vu proposer un tel parcours. « J'ai eu la chance d'avoir des ministères au coeur de l'État », reconnaît-elle. Où pourrait-elle aller pour compléter son CV si elle doit abandonner la chancellerie?? Bercy?? L'économie n'est pas vraiment sa marotte. Le Quai d'Orsay, que Chirac et Raffarin lui avaient déjà proposé en 2005?? Pourquoi pas. Reste Matignon. Depuis des mois, son nom figure effectivement dans la « short-list » des premiers ministrables avec ceux de Christine Lagarde, Jean-Louis Borloo, Jean-François Copé et l'inoxydable François Fillon. Seul Éric Woerth a quitté le club pour cause d'affaires... Mais MAM connaît suffisamment la vie politique pour savoir que rien n'est jamais acquis jusqu'à la dernière minute. Si elle a surpris tout son monde en 1999 en prenant à la hussarde la présidence du RPR contre la volonté de Chirac, elle n'a jamais oublié qu'elle a vu lui échapper la présidence de l'Assemblée nationale en 1993 et qu'elle a dû renoncer à se présenter in extremis à la présidentielle en 2007 sous l'amicale pression des sarkozystes. Surtout, elle garde toujours en travers de la gorge ce lundi matin de mai 2005 où elle attendait dans son bureau du ministère de la Défense le coup de fil de Jacques Chirac lui confirmant qu'elle allait succéder à Jean-Pierre Raffarin à Matignon. Depuis plusieurs mois, elle s'y était préparée avec une petite équipe de fidèles et de communicants. Mais Dominique de Villepin a emporté la partie dans la dernière ligne droite. De là date un certain détachement vis-à-vis de ses amis politiques mais aussi une détestation pour celui qui lui a volé Matignon. « Il n'y a pas de concurrence dans l'héritage du gaullisme », assène-t-elle. Pour lancer aussitôt?: « Personne ne peut se comparer au général de Gaulle. La politique, c'est défendre l'intérêt général, pas suivre une ambition personnelle. » Inutile de chercher qui est visé. Elle affirme au contraire trouver chez Sarkozy une dimension quasi gaulliste dans sa façon de « s'opposer aux puissances financières » depuis le début de la crise financière internationale. On l'a compris, la gardienne de la flamme gaulliste, c'est elle, pas Villepin. Cette ex-chiraquienne, qui a toujours entretenu des relations complexes avec Chirac, fait remarquer qu'elle n'a pas attendu le 19 juin 2010, comme Villepin, pour créer un mouvement politique se réclamant « d'une certaine idée de la France ». Dès 2006, elle a fondé Le Chêne qui revendique aujourd'hui 10.000 membres à 20 euros l'adhésion. Pas si loin des 15.000 supporters de Villepin qui viennent de rejoindre sa République solidaire. Au départ, les sarkozystes ironisaient sur cette amicale exotique. Mais, depuis la montée en puissance de l'ancien Premier ministre de Chirac, l'Élysée trouve de l'intérêt à ce club qui occupe un peu l'espace que revendique Villepin. Ainsi Claude Guéant, le secrétaire général de l'Élysée ou Henri Guaino, le conseiller spécial du président, assistent ostensiblement aux réunions du Chêne. Une centaine de parlementaires UMP ont fait connaître leur soutien à MAM, ce qui ne les engage pas trop puisque Le Chêne est un mouvement associé à l'UMP... Et ce n'est pas totalement par hasard que Jean-François Copé, le patron des députés UMP, vient de décider que les journées parlementaires de son groupe se dérouleraient fin septembre à Biarritz, sur ses terres électorales et dans la ville longtemps administrée par son père, l'ancien rugbyman gaulliste Bernard Marie. Finalement, la conjoncture politique n'est pas si défavorable à MAM. Patrick Coquidé
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