L'agent littéraire joue les trouble-fêtes à la Foire de Francfort

Le numérique risque bien de se faire voler la vedette à la Foire internationale du livre de Francfort qui ouvre ses portes mercredi pour cinq jours. C'est en effet l'agent littéraire et particulièrement son rôle dans les pays anglo-saxons qui agite le monde de l'édition depuis cet été. En août, l'agent américain de renommée mondiale, Andrew Wylie, a créé un véritable séisme en annonçant qu'il fondait sa propre maison d'édition de livres numériques et qu'il comptait négocier directement la vente d'ebooks avec le libraire en ligne Amazon. Le livre numérique représenterait près de 10 % du secteur de l'édition aux États-Unis cette année, et devrait représenter 15 % des livres vendus dans le monde d'ici cinq ans. La démarche d'Andrew Wylie a mis sur la place publique un sujet jusqu'à présent tabou : peut-on se passer de l'éditeur à l'heure du Reader de Sony, de l'iPad d'Apple et des autres tablettes de lecture électronique ? Le rôle de l'éditeur peut-il être réduit à celui de simple imprimeur de livres ? Un scénario catastrophe pour le monde de l'édition comme en témoigne la réaction de Random House, premier éditeur américain, qui a d'abord déclaré qu'il ne traiterait plus avec Andrew Wylie, « un agent qui se pose en concurrent ». Aux États-Unis, l'agent littéraire est en effet un maillon incontournable dans la chaîne du livre. C'est lui qui « filtre » les oeuvres reçues avant de proposer sa sélection à l'éditeur. Il fait à lui tout seul office de comité de lecture. Il cherche aussi de nouveaux écrivains et arpente les manifestations, comme la Foire de Francfort, en quête de la perle rare. Lettre ouverte du SNEEn revanche, en France, l'agent littéraire est quasi inexistant car culturellement, les manuscrits sont envoyés directement aux maisons d'édition. Mais avec le numérique, la tentation de court-circuiter l'éditeur commence à gagner certains auteurs à succès comme Marc Levy qui a ainsi tout simplement décidé de se passer de son éditeur Robert Laffont pour la version numérique de ses livres. Ses droits numériques sont désormais gérés par son agent.Face à ce risque, les éditeurs français ont décidé de faire bloc. Plus de quarante d'entre eux et le Syndicat national de l'édition (SNE) ont ainsi signé la semaine dernière une lettre ouverte pour défendre leurs droits sur les livres numériques « face aux initiatives de certains agents littéraires qui veulent les concurrencer ». Chez Hachette Livre, il n'est pas question de laisser les droits d'auteur en déshérence et c'est une des raisons qui a poussé le numéro un français à signer avec Apple pour vendre des livres sur iPad. Dans un courrier adressé fin août par Arnaud Nourry à ses salariés, et que « La Tribune » s'est procuré, le PDG d'Hachette Livre revient sur la campagne publicitaire « déjà disponible sur iPad ». Une campagne fortement décriée par les libraires qui y ont vu un signe de défiance, voire de mépris à leur égard. Pour le PDG du groupe, cette campagne a été lancée pour faire face à la menace d'une « désintermédiation des éditeurs et a fortiori des libraires ». « Depuis plusieurs mois, certains opérateurs de e-commerce contactent nos auteurs pour leur acheter directement les versions numériques de quelques titres anciens », s'insurge-t-il. Or, rappelle Arnaud Nourry, « éditer est un métier ». « Un éditeur garde tous ses droits, toutes ses compétences et ses responsabilités aussi dans l'univers numérique », prévient-il.
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